V
surtout en ce qui concerne l’énumération des niveaux d’équivalence
auxquels un texte filmique doublé doit se soumettre et la
nécessité d’une approche pragmatique de traduction au processus
qui ce texte engendre.
Afin d’expliquer par des exemples les bases théoriques qui
ont été formalisées dans le troisiéme chapitre, j’ai procédé à une
analyse empirique sur une pellicule cinématographique, Crimes et
délits de Woody Allen, qui selon moi pouvait représenter les
différentes et nombreuses problématiques liées à la traduction
cinématographique. L’analyse ne veut pas être philologique et
visée à la comparaison globale du texte original et du texte
doublé, mais elle se propose de fournir un ensemble de preuves
exemplificatrices qui illustrent et reconstituent les
problématiques générales du doublage cinématographique.
Ici dans les détails le plan de l’étude.
Dans le premier chapitre j’ai définit singulièrement les
phases différentes du processus téchnique de doublage d’un film
pour mieux comprendre le traitement du texte de départ dans le
processus de traduction. Afin d’obtenir des nouvelles de première
main qui ne sont pas trouvables ailleurs, je suis allé dans des
centres différents de doublage où j’ai interviewé quelques
opérateurs du secteur. Une interview significative avec un
important directeur de doublage et dialoguiste, Gianni Galassi,
est indiquée dans l’appendice.
Le deuxième chapitre se propose de situer diachroniquement le
doublage en faisant allusion à l’histoire, notamment à la
dimension nationale. Depuis l’avénement du parlant, qui est
considéré le facteur qui a amorcé tout le processus, j’ai analysé
les conséquences de l’innovation sur l’industrie cinématographique
mondiale et les premiers exemples de traduction cinématographique
afin de chercher à récuperer l’unité linguistique enfreinte, mais
aussi le débat théorique qui a découlé. Je me suis arrêté
notamment sur la situation en Italie depuis l’avénement du parlant
à aujourd’hui en analysant les causes politiques et économiques de
VI
l’affirmation du doublage comme le seul système de traduction des
films.
Dans le troisième chapitre j’ai présenté le sujet d’un point
de vue purement linguistique. Aprés avoir résumé les recherches
précédentes et avoir présenté la traduction cinématographique
comme un cas specifique de traduction, j’ai analysé le processus
de traduction qui est à l’origine du scénario sur lequel la
récitation des acteurs/doubleurs est fondée.
L’analyse des deux moments fondamentaux du processus de
traduction représentés par la traduction litterale et par
l’adaptation des dialogues récrée la prémice pour examiner dans
les détails les conditions d’équivalence auxquelles le texte
filmique doublé doit se soumettre. En effet, les trois niveaux
d’équivalence (synchronie, sens du texte et fonction textuelle)
ont été l’objet de la dernière partie de l’analyse. D’ici, la
nécessité évidente d’une approche de traduction fondamentalement
pragmatique.
Le troisième chapitre est complété par le quatrième chapitre
qui contient une comparaison exemplificatrice entre la version
originale et la version doublée du film Crimes and Misdemeanors de
Woody Allen (Crimes et délits, 1989). Après une brève présentation
du metteur en scène et du film, j’ai cherché d’illustrer les
réflexions théoriques du troisième chapitre par des exemples et
des passages extraits du texte des dialogues de la version doublée
comparés aux originaux, en venant à des conclusions
fondamentalement partagées à celles de l’analyse théorique et
indiquées à la fin de l’étude.
Je précise que la traduction indiquée en note dans les
citations d’oeuvres étrangères qui ne sont pas traduites en
italien a été faite par l’auteur.
Par contre, la bibliographie finale a été divisée en quatre
parties. La première partie inclut les extrêmes de tous les textes
appris sur le “doublage”. Elle peut être considérée exhaustive
dans les limites des langues examinées, soit italien, anglais,
VII
allemand et français. Etant donné que la nature extrêmement
hétérogène des textes cités n’est pas toujours conforme au
spécifique qui a été traité, pas tous ont été examinés pendant
l’étude. De toute façon, les extrêmes bibliographiques de tous les
textes ont été contrôlés de façon à fournir un point de départ
sûr pour d’autres recherches. La deuxième et la troisième partie
incluent respectivement les textes de linguistique, de sémiotique
et de théorie de la traduction, d’histoire et de critique du
cinéma qui ont été effectivement consultés. La quatrième partie
inclut la filmographie du metteur en scène Woody Allen mise à jour
à novembre 1996.
Enfin, comment déjà dit, une interview accordée à l’auteur
par le dialoguiste et le directeur de doublage Gianni G.Galassi a
été indiquée dans l’appendice.
A ce point je voudrais témoigner ma réconnaissance aux
personnes qui m’ont aidé pendant les mois d’étude. Avant tout je
remercie les amis Rainer Held et Martin Tracey pour leur aide
inestimable dans la découverte des textes et le docteur Anna
Palmerini pour la traduction de quelques articles en français. Je
remercie même Sonia Brighenti et Paolo Menon pour la rapidité
qu’ils ont montré dans la récupération de materiel audiovisuel en
anglais et pour leur patience. En outre, je remercie le personnel
de l’International Recording de Rome (notamment Renzo Stacchi e
Ivano Casoni) et de la SAS de Rome (notamment Gianni Galassi), et
le personnel de la Bibliothèque Comunale de la Filmothèque de
Bologne pour leur temps et leur disponibilité. Enfin, je remercie
le prof. John Denton de l’Université de Florence pour les conseils
et le materiel qu’il m’a répandu et mon camarade Massimiliano Di
Caprio pour avoir mis à mon disposition sa grande bandothèque.
1
CHAPITRE I
LA TECHNIQUE DU DOUBLAGE
1.1 Définition de doublage et des introductions
terminologiques
Dans cette étude j’ai défini le mot doublage comme la partie
du processus de production cinématographique qui consiste à
remplacer le parlant original d’un film par celui de la nation où
il sera passé.
Ce processus entre dans la série la plus large des
synchronisations qui inclut: la présynchronisation, la prise de
son directe ou simultanée et la post-synchronisation.
La présynchronisation est l’enregistrement et le complètement
du parlant mis en oeuvre avant du tournage. “C’est une technique
qui est parfois employée dans l’animation pour permettre au
dessinateur des mouvements corrects et synchronisés avec le
parlant”
1
et dans les films musicaux où les chansons articulées
par les acteurs sont préenregistrées et ajoutées seulement par la
suite (le soi-disant playback, qui est connu même dans la
télévision).
Par contre, lorsque la bande sonore est enregistrée
directement sur le set on parle de prise de son directe. Ce
procédé est employé soit dans la cinématographie, dès qu’on veut
sauvegarder une instance d’authenticité, soit dans la télévision
pour des interviews et des programmes en directe. Comment la
Whitman-Linsen souligne “simultaneous synchronization of this kind
is gradually becoming extinct”
2
, pour des raisons techniques – la
pollution acoustique croissante qui ne permet pas d’avoir des
1
R. Tritapepe, Le parole del cinema, Rome, Gremese, 1991,
p.182.
2
C.Whitman-Linsen, Through the Dubbling Glass, Frankfurt,
Peter Lang, 1992, p.57. ”Ce type de synchronisation simultanée
est en train de s’éteindre graduellement.
2
fonds sonores assez convenables – et surtout pour des raisons
pratiques-économiques. C’est plus approprié d’enregistrer le
parlant en studio une seule fois et dans une manière optimale
plutôt que d’employer la prise de son directe avec les risques du
cas : des fonds sonores mauvais causés par la pollution
acoustique, dea fautes de diction, etc.
Par contre, dans la postsynchronisation le parlant est
enregistré séparément après le tournage et dans la suite il est
edité, mixé et synchronisé avec les images. D’habitude, le mot
postsynchronisation est employé pour décrire la substitution du
parlant dans la même langue des tournages. Lorsque les langues
sont différentes on parle de doublage. L’emploi de la
postsynchronisation est une pratique commune dans le cinéma de
l’après-guerre, notamment dans le cinéma italien. Comment j’ai
fait allusion dans le paragraphe précédent, des instances
d’utilité pratique et économique ont apporté les metteurs en scène
à préférer la postsynchronisation à la prise de son directe et ils
ont soulevé des polemiques animées
3
. Les raisons peuvent être
différentes : des bruits pendant le tournage, des difficultés
linguistiques des acteurs étrangers si le tournage est en inglese,
utilizzo di macchine da presa leggere, esigenze di produzione.
En ce qui concerne la nomenclature linguistique appliée à la
traduction cinématographique (ou traduction filmique), d'une façon
générale j’ai employé la terminologie classique partagée aux
études précédentes
4
, et j’ai appelé la langue de départ (Ld) la
langue originale du film et la langue d’arrivée (La) la langue de
la nouvelle version doublée. Afin d’éviter des répétitions j’ai
employé la forme en abrégé lorsqu’il y a plus de locutions dans un
même paragraphe.
3
Voir le paragraphe 2.4.6. Le débat sur la
postsynchronisation.
4
Un large développement des quelques monographies dédiées aux
aspects linguistiques du doublage est contenu dans le
paragraphe 3.1 Synthèse des recherches précédentes.
3
Les mots techniques du doublage seront définis dans les
paragraphes suivants. Je veux juste préciser que le mot
“synchronie” est employé pour décrire la correspondance temporelle
générale de tout élément linguistique avec une image du film
5
et
non seulement la synchronie labiale entre des mouvements
articulatoires et des sons émis.
1.2 Le doublage comme phase du processus de traduction
Comment Paolo Uccello avait déjà représenté dans une des
premières analyses des processus techniques il y a cinquante
années, “pour créer un doublage il y a les mêmes éléments qui sont
nécessaires à un tournage, et précisement un groupe de techniciens
[mon coursif] et un groupe d’acteurs”
6
. Juste ce parallèle entre
le tournage d’un film et le doublage peut rendre l’idée de la
fragmentation des rôles (par l’aliénation consécutive sur laquelle
je reviendrai dans la suite) et des compétences nécessaires pour
obtenir un produit unitaire achevé d’un travail collectif qui
parfois n’est pas inférieur à l’original.
Puisque le processus de traduction du scénario d’un film –
qui est le sujet principal de l’étude – appartient à une série
bien définissable de moments de production qui sont étroitement
liés entre eux, il me semble utile d’en fournir une description
synthétique
7
.
5
Cfr. T. Herbst, Linguistiche Aspekte der Synchronisation von
Fernsehserien, Tübingen, Niemeyer, 1994, p.9
6
P.Uccello, “La tecnica e l’arte del doppiato”, Bianco e
nero, n.5, mai 1937, p.42
7
Un large développement du processus technique se trouve dans
C.Whitman-Linsen, Through the Dubbing..., cit., p.56-78. On
peut trouver d’autres informations qui sont désormais
obsolètes dans P.Uccello, “La tecnica...”, cit. ; F.Luseri,
Il volto e la voce, Rome, A.G.A., 1966, p.89-97 ; L.Myers,
“The Art of Dubbing”, Filmakers’ Newsletter, n.6, avril 1973,
p.56-58 ; C.Biarese (par), “L’officina del doppiaggio”, La
rivista del cinematografico, n.55, septembre-décembre 1981,
p.351-353 ; G.L. Gautier, “En savoir plus sur le doublage”,
4
Le procédé de doublage d’un film peut durer de deux jours à
deux semaines. Malgré l’importance commerciale, il a un coût
minimum par rapport aux coûts d’acquisition des droits d’un film
ou d’une série de la télévision étrangers. En ce qui concerne les
films italiens, il arrive très souvent que le choix de tourner en
prise de son directe doit être négligé à la fin des tournages pour
des différentes raisons, première entre toutes une attention
insuffisante au milieu acoustique par la mise en scène. Par
conséquence, il arrive qu’au dernier moment on décide de doubler
le film même après avoir épuisé et dépasser dans de nombreux cas
le budget à disposition pendant les tournages. Les producteurs
imposent alors à la compagnie de doublage des temps de tournage
très restreints qui influencent souvent même négativement la
qualité du travail.
En général, le bureau de l’édition de la maison de
distribution d’un film s'engage à faire le doubler. Pour les
telefilms ou les films destinés à la télévision ce rôle est joué
par l’émetteur de télévision ou par la compagnie qui s’est assûrée
les droits d’exploitation commerciale du produit. Ils peuvent
comprendre le passage de la télévision et la distribution en
vidéocassette soit en location soit en commerce. Le distributeur
peut confier le travail à un centre de doublage ou contacter
directement un traducteur et un dialoguiste et fournir à la
compagnie de doublage le scénario qui a été déjà adapté. En tous
les deux cas le traducteur et le dialoguiste restent des figures
extérieures et ils n’appartiennent pas à la compagnie de doublage
qui a essentiellement le rôle de procéder au tournage en studio.
Au début du tournage la compagnie de doublage reçoit le
matériel suivant:
Image et son/Ecran, n.363, juillet/août 1981, p.115-118 ;
AA.VV., Il lavoro del doppiatore. Tecniche e metodi, Milano,
Cooperativa s.r.l. Attori Doppiatori Cinematografici, 1983,
chapitre 3 (polycopié sans la numération de pages).
5
1. une copie du film complète de dialogue, de musique et
d’effets sonores;
2. le scénario des dialogues originaux (la soi-disante
continuity);
3. un ruban avec la bande sonore internationale contenante
les musiques et les effets qui peuvent être distingués en effets
de milieu (les bruits de fond), effets de salle (c’està-dire les
bruits reproductibles dans la salle d’enregistrement, comment la
rupture d’un verre, les pas, une porte qui claque, etc.) et effets
spéciaux (généralement des bruits de répertoire qui ne sont pas
reproductibles en salle, comment des décharges, le démarrage d’une
voiture, le vrombissement d’un avion, etc.);
4. une épreuve négative du film sans la bande sonore qui doit
étre tirée avec les dialogues en italien.
Après avoir contrôlé que la copie de travail du film coïncide
avec l’originale et avec la bande internationale, le film est
visionné par le chef de production et par le directeur de doublage
généralement à l’aide d’un assistant.
Le chef de production est le responsable de tout le travail
commissionné à la compagnie, tandis que le directeur de doublage
s’occupe de la partie artistique et souvent il a le rôle
d’adapteur des dialogues. Il doit choisir les voix, attribuer les
rôles, la direction des acteurs/doubleurs dans la salle (comment
le metteur en scène sur le set), donner l’interprétation des
personnages à doubler et en général il a le dernier mot sur tout
aspect du travail.
Etant donné que les acteurs ont la faculté de voir tout le
film très rarement
8
, c’est le directeur de doublage qui les guides
dans la compréhension des scènes. Le directeur de doublage Renzo
Stacchi affirme qu’un des rôles les plus délicats n’est pas tant
de diriger les acteurs, qui sont en général des professionnistes
6
irréprochables que de juger et évaluer le travail du point de vue
du public
9
. D’un côté le directeur de doublage – il affirme encore
– doit être parfaitement attentif à ce qu’il arrive dans la salle
d’enregistrement, de l’autre il doit s’éloigner, observer tout
avec détachement et avoir la position neutrale qui est typique du
public afin que le doublage résulte une réécriture du film
recevable autant que l’original.
Entre temps, le scénario original est traduit plus ou moins à
la lettre par un traducteur extérieur ou par le même dialoguiste
ou – très rarement – par le directeur de doublage. Le dialoguiste,
ou adapteur, est celui qui intervient sur la traduction et il la
change de façon à l’adapter non seulement aux mouvements labiaux
et aux gestes des acteurs sur l’écran mais aussi aux intentions de
l’auteur du texte original. Dans le troisieme chapitre je ferai
une analyse détaillée de la traduction à la lettre et de
l’adaptation des dialogues.
Une fois que les dialogues italiens ont été apprêtés et les
voix ont été choisies, le tournage en studio commence. L’évolution
technologique constante a modifié complètement le système de
doublage. Si jusqu’il y a dix années le tournage était fait sur
une copie en 35 millimètres de film, aujourd’hui on opére presque
exclusivement en électronique.
A l’heure actuelle, les systèmes principaux employés sont
trois: 1) le système vidéo, 2) le système ADR et 3) le
vidéodisque.
1. Le plus commun est le système vidéo, dans lequel la copie
du film n’est plus en pellicule mais sur une bande magnétique en
bobine ou en vidéocassette à trois quarts de pouce (indiquée avec
¾”). L’assistant au doublage s’occupe du marquage du film, c’est-
8
Les directeurs de doublage que nous avons interviewé
affirment que si dans le passé quelques acteurs visionnaient
le film, aujourd’jui personne ne le fait plus.
9
R. Stacchi, entrevue personnelle avec l’auteur, Rome, 1
octobre 1996.
7
à-dire de la subdivision en morceaux de pellicule (appelés takes)
qui sont les unités à doubler. Ces morceaux sont effectués
essentiellement pour faciliter le rôle des acteurs/doubleurs qui
ne pourraient pas maintenir la concentration pendant toute la
durée du film. Secondement, les morceaux sont effectués pour des
raisons pratiques: puisque les acteurs/doubleurs travaillent par
relais, les répliques de tous se regroupent pour limiter la
présence possible à moins relais.
Généralement la subdivision en takes est effectuée en
maintenant une certaine quantité de répliques ou de situation, en
évitant de fragmenter le film d'une façon désordonnée, surtout
dans les passages où une même intonation de voix par les auteurs.
Dans le passé, le marquage était effectué sur une copie en
pellicule qui était matériellement coupée dans des parties de
longuer presque de 15-20 mètres égal à 30-40 seconds de film.
Ensuite, les morceaux obtenus étaient transformés dans des bagues
de pellicule (loops, duquel le mot technique de looping pour
indiquer le procédé), à travers l’union de la tête et de l’amorce
avec quinze seconds de pellicule noire à la fin de façon qu’ils
pouvaient être passés constamment dans la salle au moment de
l’enregistrement des dialogues.
Aujourd’jui, l’opération n’est plus effectuée phisiquement.
La subdivision du film n’est que planifiée sur le papier. Un
computer relié au lecteur vidéo atteint le début exact des takes
et il le repète combien de fois il est nécessaire pendant
l’enregistrement.