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INTRODUCTION
Peut-être, vu le sujet, les mots plus appropriés pour commencer cette
étude seraient : “Il y avait une fois une petite fille qui aimait beaucoup les
fables<”, mais il y avait vraiment cette petite fille, c’était moi. Au moment où je
me suis trouvée à penser à quel sujet je pouvais traiter dans ma thèse de
diplôme, j’ai voulu résumer plusieurs aspects de ma personnalité : l’amour
pour les fables, étroitement lié avec mon enfance et avec l’un des mes premiers
et plus chers souvenirs, l’attraction pour la psychologie enfantine, la littérature
(trait essentiel de mon cours d’études) et la curiosité vers tout ce qui s’éloigne
de notre société occidentale. J’ai donc décidé de commencer un voyage très
personnel dans le monde magique et fascinant des fables, mais en cherchant de
me relier avec un présent en changement perpétuel sous tous les points de vue.
Ce voyage sera articulé en quatre chapitres, chacun desquels peut être vu
comme une petite île, sans doute juste comme un “Pays imaginaire”, pour
rester dans le sujet.
Dans la première étape du voyage, LA NARRATION, je me suis arrêtée
sur l’importance que cette activité revêt dans notre vie. Malheureusement, notre
société moderne, marquée par des temps de plus en plus frénétiques, est en
train de perdre l’habitude au récit, très présent jusqu’il y a quelques décennies.
Il est facile de retrouver dans les récits des grands-parents des longues soirées
passées dans une grange, en écoutant les histoires fantastiques racontées par les
âgés de la communauté. Ce rôle, modifié dans ses aspects fondamentaux, peut
être retrouvé aujourd’hui dans les grands moyens de communication de masse,
surtout dans la télévision. Dans ce chapitre, je chercherai à analyser quelques-
uns des évènements historiques qui, selon l’opinion de certains chercheurs, ont
conduit à ces changements.
La deuxième Ile, LA FABLE, aura pour sujet la grande protagoniste de
cette étude, ce genre littéraire particulier si aimé par toutes les tranches d’âge.
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En partant d’une définition et d’une analyse de la structure féérique, il sera
après possible de retourner en arrière dans le temps, à la recherche des origines
des récits fantastiques, en citant les hypothèses plus importantes postulées par
les écoles de pensée.
Le paragraphe suivant constitue un compte rendu des plus grands recueils
de fables. En partant des restes des parchemins égyptiens, on passe à travers la
cour luxueuse de Versailles, le travail laborieux des frères Grimm et le recueil
italien de Italo Calvino pour arriver dans les milieux orientaux de Les Mille et
Une Nuits, accompagnés de la voix persuasive de la belle Shéhérazade.
Aidée par la grande contribution de Bruno Bettelheim, j’ai osé examiner le
monde large, difficile, mais extrêmement fascinant de la psychologie enfantine,
pour chercher à comprendre l’ingrédient magique qui rendait les fables si
aimées et demandées par les enfants de toutes les époques et tous les pays. Le
but était aussi celui de fournir une explication sur les grandes potentialités des
histoires fantastiques et sur les effets bénéfiques de la narration.
Le grand succès de la série de Harry Potter a amorcé la curiosité nécessaire
pour le cinquième paragraphe : est-il possible de considérer les aventures du
jeune magicien comme une fable moderne où nous trouvons Albus Silente âgé à
la place du vieil roi et où le rôle de la reine mauvaise est occupé par le terrible
Voldemort ?
Malgré toutes ses grandes potentialités, ce genre littéraire a été victime de
beaucoup de critiques et de réserves au cours de l’histoire : il a été accusé de
violence, de traiter des sujets trop lointains de la réalité et de promouvoir des
rôles excessivement stéréotypés. Nous analyserons ensembles tous ces points en
cherchant à comprendre les raisons cachées derrière chaque jugement négatif.
J’aime considérer la troisième destination, LA FABLE COMME PONT
ENTRE LES CULTURES, non comme un “Pays imaginaire” mais plutôt comme
une “île en construction”. L’immigration est vécue trop souvent et par trop de
personnes exclusivement comme un problème et une menace. En dépassant la
19
dimension subjective, toutefois, il résulte évident que les questions migratoires
font partie de changements profonds et structurels de notre monde : “on ne
peut pas donc renoncer de les aborder avec clairvoyance et, en même temps,
avec des nouveaux instruments juridiques, sociaux et culturels”1. Ce chapitre
traite juste le thème de l’interculture et aussi de la possibilité d’utiliser le genre
féérique comme occasion d’union et de compréhension d’autres civilisations et
cultures.
L’Italie aussi – un pays historiquement d’émigrants – s’est transformée
dans une destination de flux migratoires consistants ces derniers décennies. Un
des lieux où ce phénomène s’est fait sentir de façon plus consistante est bien sûr
le milieu scolaire, où les enfants de tous les pays se trouvent à vivre, banc à
banc, jour par jour. De plus, l’école est souvent indiquée comme le “laboratoire”
où anticiper l’intégration de l’avenir, en créant les prémisses d’une nouvelle vie
en commun. Dans le premier paragraphe, nous chercherons donc à nous
orienter dans les nombres fournis par le Ministère de l’Education pour illustrer
au mieux la situation italienne moderne.
Le voyage continue à travers les différentes stratifications qui se sont crées
dans l’échange perpétuel et répété de connaissances entre des cultures tout à
fait diverses ; ces cessions peuvent être évidentes même dans les gestes plus
petits et répétés de chacun de nous, par exemple la lecture d’un journal : pour
pouvoir fabriquer un quotidien on utilise la charte, qui a été inventée en Chine,
les caractères inventés par les anciens Sémites et la méthode de la presse étudiée
en Allemagne. Dans la rencontre entre les cultures, il devient fondamental de ne
pas fermer les yeux, en craignant une “contamination”, mais les ouvrir encore
plus en s’inspirant à la “pensée migrante” proposée par Franca Pinto Minerva.
Le troisième paragraphe peut être considéré comme le cœur de l’étude, ce
qui transforme les îles dans un archipel, en répondant à cette question : peut la
1
M. Santerini (par), Processi educativi e integrazione culturale. Immigrazione in provincia di
Como, Milano.
20
fable avoir une vocation interculturelle ? La réponse est pleinement affirmative.
En effet, à travers le récit fantastique on peut inventer des itinéraires formatifs
multiculturels, transculturels et interculturels. Il y a plusieurs méthodologies
pour transformer ces théories en faits. Nous en avons analysé trois à l’intérieur
du chapitre : la didactique des personnages pont avec les fables de Cendrillon et
de Giufà, l’animation interculturelle avec la présence du médiateur et même la
représentation cinématographique à travers l’analyse du dessin animé Kirikou et
la Sorcière.
Comment le chapitre précédent, celui-ci aussi se conclut avec les critiques
qui peuvent être tournées à cette méthode d’enseignement, sûrement positive
mais aussi très délicate à cause des dynamiques psychologiques qui peuvent
s’amorcer chez l’enfant immigré.
Arriver dans la dernière île signifie passer de la théorie à la pratique. En
effet, la quatrième étape, EN PRATIQUE<FABLES. PROJETS CONCRETS
ENTRE FABLE ET INTERCULTURE, est composée de petits et grands voyages
à la recherche d’aventures qui aient déjà utilisé la fable comme instrument de
communication interculturelle. Il s’agit de projets “micro” et parfois peu connus
dont l’existence montre l’envie et l’intention de procéder dans une nouvelle et
fascinante direction.
Le premier projet, “Fildifiaba”, organisé dans la province de Milan en
collaboration avec la Cooperativa Farsi Prossimo, est inséré à l’intérieur d’une
initiative beaucoup plus large, “Renouer les fils du tissu familier”, laquelle se
proposait d’aborder avec compétence l’intégration des familles intégrées à
travers l’élaboration d’instruments informatifs, la formation des opérateurs, la
promotion de la rencontre et de l’échange culturel à partir de l’enfance. À
travers “Fildifiaba” (2002-2003) on a organisé le recueil de beaucoup de récits
racontés par mères et pères immigrés. Les histoires ont été après publiées même
grâce à la contribution des élèves de la Scuola Media per Ciechi de Via Vivaio et
des garçons du Liceo Artistico de Via S. Vito, qui ont respectivement mis en
21
musique et illustré les fables. Cette expérience a été après avancée même dans
certains Communes de l’hinterland milanais. En particulier, nous indiquons
l’expérience de la crèche et de l’espace jeu de Melzo, en collaboration avec la
Cooperativa Milagro.
Le théâtre a toujours été un des instruments plus utilisés pour transmettre
des nouveaux messages. Le deuxième projet utilise ce moyen pour raconter une
histoire d’origine maroquine, Heina e il Ghul, mais d’une manière extrêmement
particulière : il y a un seul acteur sur la scène, Abderrahim El Hadiri, qui joue le
rôle du chef du palais majestueux de Heina. Il est aux prises avec la préparation
du repas pour fêter le retour de la fille, qui avait été ravie par le terrible Ghul.
En même, juste en utilisant comme personnages les ingrédients d’un des plats
maroquins plus traditionnels, le couscous, le chef anomale raconte à son public
l’aventure de la jeune princesse en parfaite langue arabe.
La troisième expérience, qui a été avancée dans certaines écoles du cercle
didactique de Rovereto, unit l’enseignement de la langue italienne comme L2 à
une réflexion sur la valeur de la différence. Dans la première phase du projet,
les étudiants étrangers ont été impliqués dans la rédaction du scénario, dans la
production des scénographies et dans la représentation théâtrale d’une fable
moderne, Un quadrato nel paese dei rotondi. On a procédé ensuite au choix et à la
traduction de certaines fables populaires des pays de provenance des enfants à
l’aide de six médiateurs interculturels. Les récits ont été donc racontés dans la
langue original et en italien, dans toutes les classes, et analysés et représentés
graphiquement. La grande implication des élèves et des professeurs a conduit à
l’élaboration de certains travaux autonomes reliés au projet.
Les conclusions marquent la fin de ce voyage, au moins sur cette étude qui
l’a momentanément traité.
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CHAPITRE 1 :
LA NARRATION
“Fratello,
tua è la fabbrica, la casa,
il cavallo e la pistola.
Mia è la voce antica della terra.
Tu te ne vai con tutto
e mi lasci nudo
ed errante per il mondo.
Ma io ti lascio muto.
Muto!
E come farai a raccogliere il grano
alimentare il fuoco
se io mi porto via la canzone?”2
Nous nous en apercevons rarement, mais nous passons la plupart de notre
existence plongés dans la narration3. Tous les jours, à partir de notre naissance,
2
Leon Felipe, Hay dos Espanas.
3
On entend par narration l’acte de raconter, c’est-à-dire “esporre per ordine uno o più
fatti reali o inventati, raccontare”, Grande Enciclopedia De Agostini, Novara, 1993, vol. 15, p.
38.
23
nous “nageons” dans une mer d’histoires et de récits4 que nous lisons, écoutons,
exposons ou voyons, selon la situation5.
La capacité de raconter est une constante de l’homme : comment Roland
Barthes souligne, cette-ci est “comme la vie, existe en soi, est internationale,
transhistorique, transculturelle”6. Elle est longitudinalement présente dans le
développement humain ; selon le chercheur Edward M. Forster7, ses origines
remonteraient à l’époque néolithique ou voire paléolithique ; la forme du crâne
de l’homme de Neandertal en serait une épreuve.
“L’auditif primitif était un auditif de têtes ébouriffées recueilli à bouche ouverte
autour d’un feu de champ, épuisé contre la lutte avec les mammouths ou avec
les rhinocéros laineux”8.
L’affabulation peut être donc considérée comme la donné de fondation de
la civilisation : selon l’opinion diffusée, en effet, l’homme est devenu civil au
moment où il a inventé l’histoire, “a appris à se voir et à se comprendre quand
il a appris à se raconter, même de façon très simple et très primitive avec les
représentations artistiques et picturales sur les grottes”9.
Sur la base de ces considérations, l’écrivain Antonio Tabucchi10 estime que
la narration est une véritable exigence intrinsèque et une profonde nécessité de
l’homme. À travers le récit, en effet, nous parvenons à fixer notre existence et à
lui attribuer un sens. “Si on perdait la capacité de raconter, nous n’arriverions
4
Les récits sont présents dans notre vie même sous forme d’anecdotes, cancans, journaux,
brèves histoires de vie, etc.
5
A.A. Berger, Narratives in popular culture, media and everyday life, SAGE Publications,
Londra, 1997, p. 1.
6
Roland Barthes, Introduzione all’analisi strutturale dei racconti, in Aa. Vv., L’analisi del
racconto, Milano, Bompiani, 1969, p. 7.
7
E.M. Forster, Aspetti del romanzo, Milano, Garzanti, 1991.
8
Ibidem, p. 40.
9
P. Gaglianone, M. Cassini (par), Conversazione con Antonio Tabucchi. Dove va il romanzo?,
Roma, Il libro che non c’è, 1995, p. 7.
10
Ibidem.
24
plus à vivre dans l’histoire et dans nous ; la vie deviendrait un chaos complet,
une grande schizophrénie où les milles pièces des nos existences explosent
comme dans un feu d’artifice, parce que pour ordonner et pour comprendre qui
nous sommes, nous devons raconter”11. En effet, ce sont l’organisation textuelle,
la structure narrative et la syntaxe qui ordonnent et qui sélectionnent les
évènements, les temps, les causes et les effets : “il n’arrive rien quand on vit. Les
scènes changent, les personnes entrent et sortent, et c’est tout. Il n’y a pas des
débuts. Les jours s’ajoutent aux jours sans queue ni tête, c’est une addition
interminable et monotone *<+ Mais tout change quand vous racontez la vie”12.
Le moment de la narration autobiographique nous permet, dans un certain
sens, de modifier et de reconstruire notre identité personnelle, en nous
permettant de nous présenter aux autres de la façon opportune, par rapport à
une situation donnée et conformément aux canons du système symbolique
culturel dont on fait partie13.
Nous tous avons la capacité de raconter, et nous faisons cette action dans
plusieurs moments de notre journée, de façon casuelle ou plus systématique. À
l’intérieur de la communication quotidienne, la narration se constitue comme
une longue séquence pendant laquelle un des interlocuteurs prend la parole et
l’autre joue le rôle de l’écouteur14. Un des buts plus importants de la narration
pourrait être déterminé juste dans la dynamique de la reconnaissance entre le
narrateur et le destinataire15, en permettant d’identifier cette activité comme une
transaction sociale. L’écouteur ne joue pas un rôle totalement passif, mais opère
une fonction essentielle d’interprétation du contenu du récit, et y participe aussi
à travers les expressions du visage, sa posture, des interventions plus ou moins
11
Ibidem, p. 6-7.
12
Citation de Sartre en S. Stame, Narrazione e memoria, en R. Lorenzetti, S. Stame (par),
Narrazione e identità. Aspetti cognitivi e interpersonali, Bari, Ed. Laterza, 2004, p. 7.
13
R. Lorenzetti, Tempo e spazio della narrazione autobiografica, en R. Lorenzetti, S. Stame
(par), op. cit., p. 21.
14
P. Jedlowski, Storie comuni. La narrazione nella vita quotidiana, Milan, Mondadori, 2000, p.
64-65.
15
Ibidem, p. 24.
25
brèves. La signification de la narration, comment celui de tous les romans, ne se
réalise que grâce à cette collaboration entre les deux figures impliquées.
Un facteur important à souligner dans ce contexte est le fait que la faculté
et la capacité de raconter subissent inévitablement l’influx du moment culturel
et de l’organisation social où on se trouve. Une culture peut soit encourager soit
décourager cette activité selon le modèle sur la base duquel est structurée. Dans
son étude Il lettore, il narrare16, Peter Bischel cite l’expérience d’un ami qui passa
beaucoup de temps près de la tribu des Haussas, dans le Sahara. Ces hommes
estiment que parler, bavarder, s’exhiber ou se plaindre ne sont pas à considérer
comme des activités dignes d’un homme courageux, mais sont communément
vues comme le symbole de faiblesse et d’incapacité à supporter les évènements
de la vie. “Parmi les Haussas, l’expressions pour être fou est : parle avec le propre
chameau – c’est-à-dire une personne qui commence à parler parce que a peur,
parce que est seule”17. Le récit d’histoires littéraires et transmises par le membre
plus âgé est utilisé par les hommes de cette tribu, comme moment
communautaire, pour “empêcher à soi et aux autres de parler”18.
16
P. Bischel, Il lettore, il narrare, Milano, Marcos y Marcos, 1989.
17
Ibidem, p. 27.
18
Ibidem, p. 28.
26
1.1 – La narration aujourd’hui
“L’art de raconter va vers sa conclusion. Il arrive toujours plus rarement
de rencontrer des personnes qui sachent raconter quelque chose comme il faut :
et l’embarras se diffuse toujours plus souvent quand, dans une compagnie, il y
a ceux qui expriment le désir de sentir raconter une histoire. C’est comme si
nous nous sommes privés d’une faculté qui semblait inaliénable, la plus sûre et
certaine de toutes : la capacité d’échanger des expériences”19.
Selon l’opinion de beaucoup de chercheurs, notre culture moderne tend à
réserver un espace de plus en plus réduit à la narration. Les causes reliées à ce
phénomène sont très variées : une quotidienneté caractérisée par des temps de
plus en plus restreints, une majeure importance attribuée à d’autres formes de
communication, le flux des évènements historiques, la naissance de nouvelles
formes de narration et de nouveaux narrateurs. Dans les paragraphes suivants,
nous chercherons à approfondir quelques-unes de ces hypothèses en cherchant
à comprendre les traits caractéristiques de la narration dans notre époque et
dans notre société occidentale.
1.1.1 – L’information
Avec la naissance de la presse, il y eut l’apparition d’une nouvelle forme
de communication qui s’imposa tout de suite et qui occupa une place
d’honneur dans la vie quotidienne des gens : l’information. Cette typologie de
communication joue encore aujourd’hui un rôle essentiel.
Selon Walter Benjamin20, les caractéristiques de l’information se posent en
nette opposition par rapport à celles typiques de la narration.
19
W. Benjamin, Il narratore. Considerazioni sull’opera di Nicola Leskov, in Angelus Novus.
Saggi e frammenti, Torino, Einaudi, 1962, p. 247.
20
Ibidem, p. 247-274.