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A- Etude bibliographique
I- Elevage bovin laitier en Tunisie
I-1 Place de l’élevage bovin laitier
Dans le cadre des plans de développement économique et social, l’état a développé un
programme visant l’augmentation de la production laitière et l’amélioration du potentiel génétique
du cheptel par l’importation des génisses pleines de races pures à haut potentiel génétique
essentiellement la race Holstein. Ceci a eu pour conséquence directe l’augmentation soutenue de
l’effectif des unités femelles pour atteindre 438.000 unités en 2004. D’après le recensement des
services du Ministère de l’Agriculture durant les périodes 1995/2004, l’évolution du cheptel a vu
une augmentation considérable allant de 384.600 en 1995 à 484.600 unités femelles en 2002, mais
à partir de l’année 2003 on a enregistré une diminution de l’effectif qui s’est poursuite aussi à
l’année 2004 pour atteindre 438.000 unités femelles et ce, est dû aux années successives de
sécheresse. L’évolution des effectifs bovins entre 1995 et 2004 figure dans le tableau 1.
Tableau 1: Evolution des effectifs des unités femelles (en 1000UF)
Année 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Race pure 127.4 144.65 158.18 171.3 194.5 203.58 210.86 211.75 201 194.7
Dont race importée 0 1.744 7.288 5.12 2.807 2.404 0 0 0 2.377
Race locale et croisée 257.2 264.66 272.2 287.2 285.3 278.47 273.11 272.87 249 240.9
Total 384.6 409.3 430.4 458.5 479.8 482.1 484 484.6 450 438
(OEP, 2005)
Il est à signaler que la majeure partie de l’effectif est à la propriété des petits et moyens
éleveurs possédant moins de 10 vaches ( 81%), alors que presque 50% des vaches de race pure
appartiennent à des troupeaux dont la taille est inférieure à 5 vaches. (Ministère de L’agriculture,
2004).
I-2 Situation du secteur lait
La Tunisie est présentée comme un pays ayant atteint son autosuffisance. Cet état de fait ne
laisse en rien présager de l’évolution individuelle à venir des principaux indices sectoriels, à savoir
ceux du lait de consommation, des produits frais et des fromages. En effet, sauf s’ils ont atteint des
paliers, les indices sectoriels demeurent directement dépendants des prix des produits à la vente, du
pouvoir d’achat des consommateurs et de la gamme des produits disponibles sur le marché. Avec
environ 100 litres par habitant et par an, il est légitime de penser que la Tunisie dispose encore
d’un potentiel de croissance, au moins pour certains produits (API, 2003). Le secteur laitier
tunisien a constitué très longtemps un cas tout à fait à part. La Tunisie était l’un des rares pays au
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monde à avoir basé son schéma national sur la recombinaison de poudre de lait importée. Pour ce
faire, la Tunisie avait construit de vastes usines dans les régions portuaires (Tunis et Sidi Bou Ali).
La Tunisie demeure cependant, sur le plan laitier, un pays très contrasté qui a en face de lui des
défis majeurs à relever. Si elle décide de s’en donner les moyens, la Tunisie a - sans le moindre
doute - la capacité intérieure à relever ces défis et à s’adapter à l’évolution des temps.
I-3 la production laitière
La production laitière a connu ces dernières années une évolution remarquable, suite à un
ensemble de mesures, touchant pratiquement les différents maillons de la filière. Le programme
d’Ajustement Structurel Agricole (PASA) mis en œuvre à partir de juillet 1986, a permis
l’appréciable évolution de la production. La production actuelle du lait couvre 97% de la
consommation totale des produits laitiers. Elle est assurée principalement par les bovins laitiers à
raison de 98%. Les ovins et les caprins participent seulement par 2% du total. La production du lait
bovin est assurée principalement par des bovins de races pures, ils produisent 75% de la
production bovine et ils ne représentent que 38% du total du cheptel, et 25% proviennent des races
locale et croisée.
I-3-1 Evolution quantitative de la production laitière
Durant la dernière décennie, la production laitière a connu une évolution spectaculaire. Elle est
passée de 565.000 tonnes en 1995 à 864 .000 tonnes en 2004.
Tableau 2 : Evolution de la production laitière (en 1000 tonnes)
Année 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Production 565 618 657 734 817 887 894 942 882 864
(OEP, 2005)
I-3-2 Facteurs de variation de la production laitière
Les producteurs de lait sont de moins en moins capables de répondre à la demande très soutenue
des consommateurs. Si cela ne crée pas de gros problèmes nutritionnels pour la plupart des
économies nationales, quels sont donc les facteurs limitant la production indigène de lait? Nous
savons tous que le niveau de la production laitière dans une exploitation est la résultante de l’effet
de différents facteurs notamment:
<-Facteurs génétiques:
La production laitière dépend du potentiel génétique qui caractérise une race donnée. Deux
paramètres génétiques ont été étudiés à savoir l’héritabilité et la répétabilité.
V-L’héritabilité est le pourcentage de la variation phénotypique due aux effets additifs, elle est
définie par le rapport suivant :
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)(
)(2
PV
AV
h =
Avec ;
V (A): Variance additive
V (P): Variance phénotypique
D’après Poutous (1965), l’héritabilité de la production laitière est comprise entre 0.3 et 0.4.
V-La répétabilité exprime la régression d’une performance sur une performance antérieure
observée sur le même individu. Elle est exprimée comme suit:
)(
)()(
PV
EpVGVR +=
Avec ;
V (G): Variance génotypique
V (Ep): Variance du milieu permanent
V (P): Variance phénotypique
Searle (1963) a déduit que la répétabilité de la production laitière est comprise entre 0.6 et
0.75. (Cité par Aydi R., 2003), alors qu’en Tunisie, Miladi (1989) a montré que la répétabilité est
de l’ordre de 0.55
<-Facteurs liés à l’environnement physique
♣- Effet du climat sur l’animal
Auriol P. (1989) a montré que les stress thermiques au niveau de l’animal existent certes pendant
les quelques mois les plus chauds de l’année, notamment quand les hautes températures coïncident
avec une forte humidité. Le même auteur a signalé que par ses effets directs sur les productions
végétales que le climat joue un rôle dominant dans les productions bovines et plus particulièrement
dans la production laitière.
<-les facteurs non génétiques :
♣- Mois et saison de vêlage
Djemali et al. (1990) ont montré l’effet significatif du mois et de la saison de vêlage sur la
production laitière, on fait, il a signalé que les vêlages d’automne et d’hiver sont les meilleurs en
matière de production laitière que ceux du printemps et de l’été et les vaches qui vêlent au mois de
janvier produisent en moyenne 384 kg de lait en plus par rapport à celles qui vêlent au mois d’août.
♣- Age au vêlage
Selon Leroy et al. (1979), l’effet de l’âge au vêlage se traduit par une augmentation de la
production laitière, de la matière grasse et de la matière azotée et chaque mois d’âge correspond à
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une augmentation de 145 kg de lait en première lactation et 160 kg en deuxième lactation. En plus
Miladi (1989) a constaté qu’une génisse vêlant à l’âge de 39 mois aura une production laitière
supplémentaire de 675 kg à celle qui vêle à l’âge de 24 mois.
♣- Nombre de traites
Wiggans et Dicherson (1985) ont remarqué un accroissement de 15 à 20% de la production
laitière des vaches traites trois fois par jour par rapport à celles traites deux fois et de ce fait ont
proposé la formule si- dessous:
)1( 332 RIDIM
DIMYY xxx +=
Avec ;
Y2x : La production laitière obtenue par deux traites.
Y3x : La production laitière obtenue par trois traites.
DIM3x : La durée de lactation d’une vache traite trois fois.
DIM : Durée de lactation standard.
RI: Quantité de lait additionnelle des vaches traites trois fois par rapport à deux fois.
♣- La durée de tarissement
La durée de tarissement influe significativement sur la production laitière précédente par
l’intermédiaire d’une régulation des réserves corporelles et par une relance adéquate des hormones
de l’animal (Wolter, 1994).
<- Les facteurs zootechniques:
♣- Les effectifs animaux et les races
Notons que les effectifs bovins (tableau1) ont augmenté en moyenne moins rapidement que la
production. De nos jours l’introduction de bovin de races pures telles que la race Pie–Noire et sa
variante Holstein-Friesian est pratiquement la seule retenue pour la production laitière, bien qu’il
n’y ait jamais eu d’essais comparatifs sérieux. Les importations de génisses se poursuivent à un
rythme soutenu, malgré leur coût élevé.
♣- Les ressources fourragères:
L’essentiel des ressources fourragères de la Tunisie provient toujours des parcours et des
pâturages naturels, principalement dans les zones montagneuses, les plateaux intérieurs plus ou
moins arides ou les plaines non irriguées; Mais ces parcours sont exploités -et souvent surexploités
- par les troupeaux transhumants de moutons et de chèvres. La contribution des parcours naturels à
l’alimentation du cheptel bovin laitier est donc limitée. L’utilisation des chaumes reste une source
importante d’énergie pour les bovins en extensif.
<- Facteurs socio-économiques:
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L’élevage bovin est dans sa grande majorité un élevage sédentaire plus ou moins intégré à de
petites exploitations agricoles. La majorité du cheptel bovin est toujours dans les mains de petits
exploitants. Cette catégorie est difficile à définir avec précision, la superficie exploitée étant un
mauvais critère dans des conditions du climat et de sols très diverses, mais elle présente, selon
Auriol (1989), quelques caractéristiques communes à tous: (Ben Ammar, 2002).
√- Le travail est fourni essentiellement par la famille
√- L’objectif principal est d’assurer la subsistance de la famille
√- Les éleveurs disposent de peu de capital et encore moins de liquidités et ils n’ont pas accès aux
crédits, en plus de leur niveau d’éducation très bas
√- Les agriculteurs ont peu ou pas de contacts avec les services de vulgarisation et ont peu de
confiance en eux et ils sont isolés: les groupements de producteurs sont peu développés.
I-3-3 Indicateurs et critères de la production laitière
La gestion d’un troupeau de vaches laitières permet d’apprécier la rentabilité de la production
laitière à travers une série de facteurs qui la conditionne. Pour envisager ces facteurs, un ensemble
de critères et de paramètres est mis à niveau.
* La production initiale
La production initiale est représentée par la moyenne des quantités de lait produites au cours de
la période colostrale. Journet et Poutous, (1978) ont démontré que la production initiale (Pi)
explique 70% des variances totales des paramètres de début du cycle mais 43% seulement de la
production de la treizième semaine de lactation.
* La production maximale journalière
La production maximale journalière est la valeur la plus élevée observée des moyennes
journalières mobiles des quantités de lait produites au cours de trois jours consécutifs. La moyenne
mobile d’un jour «j» étant la moyenne de la moyenne de production de jour «j-1» et «j+1» notée
PM, alors que PM’ est la valeur la plus élevée des moyennes calculées sur 7 jours des différentes
semaines de lactation. Decaen et al. (1970) ont démontré que PM et PM’ sont extrêmement liés et
la corrélation est estimée à 0.995.
* La production laitière totale
La production laitière totale est la quantité de lait produite par le troupeau durant une
campagne. Elle dépend du nombre de vaches, de la race, des conditions d’élevage et de la conduite
du troupeau. La production totale est calculée à partir des résultats des contrôles laitiers par la
formule suivante:
∑
=
=
K
j
PbjPLT
1
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Avec ;
12122211 ............................... nCnCnCPbj +++=
Pbj : Production brute annuelle de la vache j
iC : Contrôle laitier du mois i
in : Durée en jours du mois i
i : 1,2,…………………………..12
j : 1,2,………………………….k
* La production laitière standard
La production laitière standard est la production laitière cumulée sur 305 jours. En 1994,
l’INRA a avancé la formule suivante:
CD
QLQL *)80( 385305 +=
Avec ;
385QL : La production laitière brute en kg
305QL : La production laitière standard
D : Durée de lactation
C : Coefficient dépendant du rang de lactation.
Deux équations de régression ont été proposées par Djemali (1990) pour les primipares et les
multipares successivement sur la base standard de 305jours:
2
305 )305(00457.0)305(345.14 DDPLPL total −−−+=
(1)
2
305 )305(01125.0)305(7279.19 DDPLPL total −−−+=
(2)
Avec ;
TotalPL
: La production laitière totale
305PL : La production laitière standard
D : Durée de lactation
* Moyenne de l’étable
La moyenne de l’étable est le critère le plus utilisé pour juger les performances des animaux.
Selon Metge (1990), la moyenne de l’étable est le rapport de la production totale des animaux
présents.
* Moyenne par vache en lactation
C’est le rapport de la production totale d’une année par le nombre de vaches en lactation (Metge,
1990).
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lactationenvachesdeNbre
totaleoduction
lactationenvacheparMoyenne Pr=
* Durée de lactation
La durée de lactation est l’intervalle séparant la mise bas et le tarissement.
I- 4 Demande des produits laitiers et fromagers
En Tunisie, l’évolution démographique et l’augmentation du niveau de vie ont eu pour
conséquence une augmentation de la demande en produits laitiers. Toutefois, si le lait est considéré
comme un aliment de pauvre, le fromage voit sa demande varier en fonction de la richesse du
consommateur.
I-4-1 La consommation
Le consommateur tunisien est un amateur éclairé de produits laitiers dans leur ensemble, ce qui
constitue un aspect très positif pour l’avenir de la filière. Il consomme principalement du lait
liquide (longue conservation), du yaourt, des laits fermentés et des desserts ainsi que des fromages
frais, à pâte pressée et fondue. Ces dernières années, La progression de la consommation a été
nette et régulière et le principal facteur de blocage semble bien être actuellement le seul pouvoir
d’achat. Parmi la consommation de denrées alimentaires, celle des produits laitiers et fromagers
présente des caractéristiques spécifiques et se distingue à cause de son évolution temporelle et
spatiale.
Tableau 3: Evolution des quantités moyennes de lait et produits laitiers consommés par personne
et par an au niveau national (en kg).
1980 1985 1990 1995 2000
Lait 40.6 37.5 38.8 40 44.5
Autres produits laitiers 20.4 14.1 19.6 25.2 33.5
Dont
Yaourt (nombre de pots)
Fromage
Beurre
19
0.1
0.7
29
0.2
0.4
33
0.2
0.7
28
0.4
0.9
35
0.7
1.1
INS (2000)
En terme absolu, la consommation de lait par personne varie selon les sources statistiques de
40.6 à 44.5 kg par an entre les années 1980 et 2000, tandis que celle de fromage oscille entre 0.1 et
0.7 kg par an.
I-4-2 Facteurs déterminants la consommation
Outre l’évolution démographique et du revenu, la consommation de lait et de ses dérivés, en
Tunisie, est caractérisée aussi par des différences territoriales. En général, la consommation est
caractérisée par un niveau supérieur au District de Tunis et au Nord (61.7 et 47.3 kg), par rapport
au centre et au sud. Si l’on considère que la consommation nationale moyenne par personne égale
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20
à 44.5 kg. Cette situation générale se différencie à son intérieur à cause de la tendance différente
suivie par l’évolution de la consommation dans chaque circonscription territoriale prise en
considération. Le tableau 6 met en évidence les valeurs des quantités consommées de lait et de ses
dérivés.
Tableau 4: Quantités de laits et des produits laitiers consommés par personne et par an selon la
région géographique (en kg)-2000-
District de Tunis Nord Centre Sud National
lait 61.7 47.3 35.2 35 44.5
Dont
Lait frais en vrac 11.5 28.75 17.05 13.8 18.1
Lait industriel 50.2 18.55 18.2 21.25 26.4
Yaourt (nbre de pots) 57 25 30 28 35
Fromage 1.5 0.4 0.2 0.4 0.7
Beurre (animal et végétal) 1.5 1.5 0.8 0.7 1.1
INS (2000)
L’effet revenu peut expliquer, en partie, la différenciation territoriale de la consommation. Du
point de vue historique, en Tunisie, le Centre et le sud en particulier sont les régions les moins
développées par rapport à la moyenne nationale et à fortiori par rapport au nord du pays qui joue
un rôle économique très important. Cette caractéristique se traduit, généralement, par des revenus
plus bas, en terme absolu et en des taux de croissance démographique plus élevés. En ce qui
concerne le lait, ce modèle s’est produit dans ces régions et a correspondu à un manque de matière
première, dû essentiellement à une répartition territoriale très inéquitable de la production.
II- Analyse économique de la branche lait et dérivés
La branche lait et dérivés font partie intégrante du secteur de l’industrie agroalimentaire
(IAA) qui compte actuellement 800 entreprises de plus de 10 employés dont 98 sont totalement
exportatrices. Le tableau suivant situe la branche dans son secteur par rapport aux indicateurs
économiques couramment utilisés: production, valeur ajoutée, emploi et investissement.
Tableau 5: Place de la branche lait dans le secteur des industries Agroalimentaires
(Chiffres de l’année 2001)
Secteur IAA Branche lait et dérivés Part
Nombre d’entreprises
(>10 employés)
T.E*
A.T.E**
800
98
702
37
0
37
4.63%
Valeur de la production (MTDN) 5539 478 8.63%
Valeur ajoutée (MTDN) 892 71.7 6.82%
Investissement (MTDN) 204 15 8.03%
Emploi 56864 5147 9.05%
*T.E: Totalement exportatrice, **A.T.E: Autre que totalement exportatrice API (2002)
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