Verlan, verlen, lenvers : de langage 'djeune' hermétique à mode linguistique - Une contribution de recherche expérimentale -

Confrontés dès leur plus jeune âge à des expériences d’exclusion conduisant à un sentiment de négation de soi et de dévalorisation de l’individu, les jeunes banlieusards choisissent, dans la plupart des cas, de s’exprimer par une violence physique et verbale. En réalité, ce choix n’est qu’une forme de réponse ‘défensive’ de la part de ces jeunes face à la violence symbolique que les institutions leur adressent par les institutions, à la mauvaise réputation dont ils sont victimes dans la société et à la discrimination qu’il expérimentent jour après jour.

À côté de la violence physique, la violence verbale permet aux jeunes de s’identifier à ce qu’il disent en valorisant, par exemple, les outrances verbales, les insultes, ainsi que des pratiques plutôt agressives qui revêtent, certes, une dimension ludique, mais qui sont aussi l’expression d’une opposition implicite à la bienséance et au langage académique.
Ainsi, le choix de s’imposer à autrui par un comportement, l’emploi de mots et une intonation ostentatoires provoque chez les autres incompréhension et un sentiment d’agression.

Le cadre initial est bouleversé : ceux qui excluaient se sentent donc exclus. Cette forme de contreviolence verbale serait alors l’ expression d’une réaction défensive, qu’on a vu être aussi cultivée dans les textes de beaucoup de chansons rap, de façon à ‘institutionnaliser’ certaines de ces outrances verbales. Comme le soutient Claudine Dannequin, les outrances verbales sont « des excès, des exagérations acceptées comme telles et qui sont nécessaires à la circulation de la communication dans le groupe ».

C’est juste là que la sublimation de la violence par le langage s’exprime en manifestant aussi une volonté de contrer la culture dominante et les représentants des institutions comme les enseignants, les travailleurs sociaux, les policiers, les juges et même les pompiers qui, eux aussi, s’opposent à la violence et la condamnent. Ainsi, par exemple, ils ne seront pas peu nombreux ceux qui substitueront l’expression « c’est super » avec « c’est d’la leuba», mentionnée plus haut, pour exprimer leur enthousiasme face à une certaine chose ou expérience. L’hypothèse d’une contre-culture serait alors admissible.