La traduction automatique neuronale post-éditée en contexte juridique. L'application de DeepL aux documents de la Confédération suisse

Partant du constat que traduire le droit est possible, puisqu'il s'agit d'une discipline sociale, la question se pose toutefois sur le plan épistémologique. En termes concrets, l'approche à adopter en matière de traduction juridique exige un respect absolu au niveau non seulement terminologique, mais aussi d'interprétation. Comme la rédaction de cette catégorie textuelle prévoit l'attribution d'un sens officiel aux diverses expressions linguistiques employées, les textes juridiques se démarquent par leur nature contraignante. Cela dit, le traducteur juridique: «dépasse la fonction de traducteur, il est aussi un interprète du droit»²⁵. De cette façon, la traduction atteindra l'équivalence nécessaire entre le texte source et le texte cible.

Contrairement à la croyance commune, selon laquelle le juriste est la figure qui correspond le mieux à la traduction juridique, on observe désormais que la simple connaissance du domaine ne suffit pas. C'est ainsi qu'on compte sur des traducteurs spécialisés dans la traduction de textes juridiques, lesquels ont suivi une formation en matière linguistique et juridique, qui est, d'une certaine façon, à la fois générale et particulière. De fait, ces spécialistes sont dotés de connaissances générales du droit, allant du droit privé et public au droit international, ainsi que des aspects linguistiques, terminologiques, stylistiques et syntaxiques. L'apprentissage de la langue du droit englobe d'ailleurs les multiples méthodologies et formes d'expression propres aux juristes, en fonction de la typologie du texte abordé.

Par ailleurs, cette formation étendue est le reflet du domaine de recherche lié à la traduction juridique, qui voit une collaboration entre les spécialistes appartenant à divers secteurs, notamment les linguistes, les juristes et les traducteurs.²⁶
De toute façon, le traducteur juridique sera responsable du respect de trois principes principaux, à savoir: l'obligation de moyens, l'obligation de résultat et l'obligation de garantie (Gémar 1988, 308-310).

L'obligation de moyens concerne l'application adéquate du vocabulaire fondamental du droit, en vertu de la nature contraignante des textes de ce domaine.
Pour donner un exemple de traduction incorrecte de l'anglais vers le français:
«traduire (en matière de contrat) cancellation par "cancellation" au lieu d'annulation (ou, selon le cas: rescision, résiliation, résolution, révocation) du contrat constitue une erreur à la fois linguistique et juridique»²⁷. Ce principe s'applique également au niveau stylistique. Il va sans dire que la langue du droit est caractérisée par la présence de nombreuses répétitions. Son répertoire linguistique est néanmoins très vaste, notamment en matière de connecteurs logiques et de formes particulières d'expression, ce qui permet de traduire de façon claire et sans faille.

Quant à l'obligation de résultat, on fait référence à l'attente vis-à-vis du texte à traduire, mettant ainsi l'accent sur le destinataire.
L'obligation de garantie correspond à la qualité et donc à la fiabilité de la traduction effectuée.

Or, l'adhésion à ces trois principes varie en fonction du type de texte pris en considération. Plus précisément, la traduction juridique d'intérêt public exige le respect intégral de tous les principes, tandis que la traduction juridique d'intérêt privé ne privilégie que l'obligation de résultat et l'obligation de garantie, étant donné l'importance attribuée à la transmission du contenu plutôt que de la forme. Il existe de surcroît un autre type de traduction, à savoir celle des auteurs de cette discipline. Cette traduction fait l'objet d'une attention toute particulière, car elle est destinée à une diffusion à grande échelle. [...]


²⁵ Gémar, Jean-Claude. 1988. "La traduction juridique: art ou technique d'interprétation ?". Meta 33 (n.2) : 304-318.
²⁶ Wiesmann, Eva. Maldussi, Danio. 2020. "Traduzione settoriale e lingue speciali. La traduzione giuridica, la traduzione economico-finanziaria e la terminologia, tra alveo disciplinare e assi di ricerca". MEDIAZIONI 29 Special Issue: 1-51.
²⁷ Gémar, Jean-Claude, La traduction juridique : art ou technique d'interprétation ?, cit., p. 308.