Providence et catastrophe: Voltaire vs Rousseau

Le tremblement de terre de Lisbonne eut des répercussions physiques sur le territoire et sur la population mais aussi sur la discussion philosophique qui concerne la relation entre les catastrophes naturelles et la divine providence. Les oeuvres de Voltaire sont le miroir de sa pensée sur le rapport entre Dieu et la providence d’un côté et le Mal et la souffrance sur la terre de l’autre. En partant d’une vision plutôt optimiste qui était très répandue dans le XVIIIe siècle, le philosophe commença à adopter une attitude plus sceptique à l’égard de cette question contre l’idée commune du Tout est bien. En effet, son appartenance au groupe des philosophes de la raison, des philosophes des lumières, peut être considéré comme une preuve de son aptitude à questionner les idées qui étaient enracinées dans les esprits du passé et de sa période. Revenu de l’Angleterre, dans laquelle il avait vécu de 1726 à 1728, il fût un des supporteurs en France des nouvelles idées scientifiques de Newton et Locke et il joua un rôle important pour leur diffusion contre la vision Cartésienne mécanique du monde. Mais en dépit de son ouverture vers les nouvelles découvertes scientifiques, Voltaire n’a jamais exclu l’intervention de Dieu dans le monde, en fait il prit position contre la théorie de John T. Needham selon laquelle les embryons pouvaient être recréés à partir de la matière désorganisée. Mais les événements et les tensions dans l’Europe du milieu du XVIIIe siècle, parmi lesquels la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), la guerre de Sept Ans (1756-1763) et le tremblement de Lisbonne (1755), influencèrent négativement la pensée de Voltaire et de plusieurs intellectuels de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Il est intéressant de suivre et d’examiner le parcours de Voltaire sur le thème du rapport entre le mal et la providence divine à travers ses oeuvres littéraires, en commençant par Micromégas, écrit en 1739 et publié en 1752, jusqu’à Candide, publié en 1759. C’est un parcours qui part d’une vision optimiste de la réalité et d’un Univers parfaitement rangé jusqu’à un scepticisme qui Tout est bien le philosophe à un pessimisme sans solutions, témoigné par la dernière phrase de Candide: «il faut cultiver notre jardin», c’est-à-dire il faut mettre de côté les problèmes métaphysiques qui semblent sans solution et il faut s’occuper de notre vie dans le monde, de ce que l’homme peut changer et améliorer. [...]