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INTRODUCTION
La liberté, la démocratie et les droits de l’Homme sont trois éléments fondamentaux
présents dans tout Etat de droit. Leurs définitions ont subi une évolution remarquable dans
l’histoire des Etats, de façon à être considérés comme vade-mecum des différentes
Constitutions. D’une façon générale, est libre celui qui est sans contrainte, celui qui a la
capacité de déterminer lui-même sa propre volonté. Nombreux auteurs ont donné une
définition de la liberté. Dans l’optique de notre travail, nous nous limiterons à un nombre
réduit de penseurs, nous permettant ainsi de nous focaliser sur un aspect précis de la liberté,
celle du citoyen dans l’Etat. Selon Friedrich Hayek, in « La constitution de la liberté » (1960),
la liberté se définira comme le « contraire de la coercition », donc comme le fait de « n'être
pas soumis à la volonté arbitraire d'autrui ». La liberté serait donc tout simplement l’absence
de coercition. Ainsi, la liberté serait un absolu dans tout Etat moderne. Pour dire comme
Hayek, la liberté implique que l'individu dispose de quelque sphère de décision privée. Nous
pouvons aussi définir la liberté en relation avec a loi, de sorte que, soit libre celui qui se
comporte conformément à loi. C’est ainsi que Thomas Hobbes affirme que « libertas
silentium legis », en d’autres termes, l’individu est libre là où la loi se tait. Donc l’individu
serait libre de se comporter comme il veut dans un domaine où la loi ne le lui empêche pas.
La liberté serait de ce fait représentée comme un espace d’action sans obligations pour les
individus, ce qui correspondrait à ce qui est « licite » et permis ou ce qui n’est pas interdit ou
rendu obligatoire. Notre travail, en matière de liberté sera surtout axé sur ce que Norbert
Bobbio a appelé « les quatre grandes libertés des modernes », à savoir la liberté personnelle,
la liberté d’opinion et de presse, la liberté de réunion e la liberté d’association. Nous nous
axerons dans ce sens sur la liberté positive et négative, la liberté négative indiquée comme
forme de liberté qui coïncide avec la négation du pouvoir autrui c’est-à-dire le manque
d’empêchement et le manque de contrainte ; et la liberté positive indiquée comme le pouvoir
sur soi, l’autonomie, la capacité de prendre les décisions pour soi-même, la capacité de
vouloir, de déterminer sa propre volonté, de choisir. C’est ce que Benjamin Constant, dans de
la liberté des anciens comparée à celle des modernes (1819), a appelé la «liberté des
anciens » et la « «la liberté des modernes ». Nous disons donc de façon intuitive avec Bovero
Michelangelo que, un sujet est libre s’il a « la capacité d’autodétermination, de diriger sa
propre volonté vers un objectif, de choisir une conduite, et ensemble s’il a l’opportunité
d’effectuer son propre choix, s’il n’est pas empêché dans son comportement où s’il n’est pas
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contraint de tenir un comportement diffèrent. ». (Bovero Michelangelo, Contro il governo dei
peggiori: una grammatica della democrazia, p73).
La démocratie quant à elle, de son étymologie dêmos qui signifie le peuple et kratos c’est-
à-dire le pouvoir ou souveraineté, tire son origine de la cité d’Athènes. La définition
commune qui lui est reconnue est celle d’Abraham Lincoln, selon laquelle la démocratie est
« le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » ; pour ainsi dire, dans le régime
politique qu’est la démocratie, le peuple est souverain. Dans un Etat démocratique, nul n'est
au-dessus de la loi et tous les citoyens sont égaux devant elle. Le terme le plus souvent adopté
pour exprimer cette égalité est « une personne, un vote ». La démocratie selon Alexis De
Tocqueville, ne devrait pas seulement être entendue dans le sens politique de pouvoir du
peuple, mais aussi on devrait tenir compte de l’aspect social. C’est pourquoi nous pouvons
dire qu’un Etat démocratique est celui où on respecte les droits fondamentaux di citoyens ;
Etat dans lequel il y a la présence des institutions démocratiques qui jouent un rôle d’arbitrage
et d’équilibre, renforçant ainsi la cohésion sociale. L’exercice de la démocratie nécessite donc
la séparation des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et un contrôle réciproque entre
ceux-ci ; c’est-à-dire la « «balance of power ». Ceci éviterait ainsi que le pouvoir soit
concentré entre les mains d’un seul et que ce dernier ne puisse en abuser ; il s’agit de ce fait
de la séparation des pouvoirs théorisée par Montesquieu dans l’esprit des lois. Dans un
Gouvernement démocratique, inévitablement, les citoyens sont tous égaux devant la loi, les
droits de l’Homme doivent être respectés, sans quoi cet Etat ne saurait s’affirmer comme étant
démocratique.
Les droits de l’homme sont défini comme des droits reconnus à tous les individus, droits
fondamentaux, universels et inaliénables qui sont intrinsèquement liés à la personne, à la
dignité de l’homme et que tous doivent impérativement respecter sans aucune distinction de
sexe, de race, de religion, de nationalité ; en référence à la déclaration universelle des droits
de l’homme de 1948.
La liberté, la démocratie et les droits de l’homme ainsi définis, sont trois concepts
fondamentaux dans tout Etat de droit. Il arrive que dans certaines constitutions soit présent le
respect de ces principes, mais des fois la pratique et le comportement de l’Etat envers les
citoyens démontrent autre chose. Serait- ce parce que les Etats ne veulent pas respecter leur
Constitutions ou alors serait- ce un problème de contexte, d’environnement, de mentalité ?
Nous notons dans plusieurs Etats à l’exemple de la République du Cameroun
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, des situations
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République du Cameroun, située en Afrique centrale et Occidentale. Régime semi présidentiel, et le Président
de la République depuis Novembre 1982 est Paul Biya. Membre de droit de l’organisation Internationale de la
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selon lesquelles les citoyens voient leurs droits bafoués (à l’exemple des étudiants de
l’université de Yaoundé I sur lesquels le gouvernement a lancé du gaz lacrymogène dans les
années 1990, leur empêchant ainsi de contester la violation de leur droit à l’Education.). Les
libertés, le respect des droits de l’Homme et la démocratie ne sont pas en réalité ce qu’elles
prétendent dans les textes. Au Cameroun on note également une certaine tendance à ce que
Jean François Bayart a dénommé « la politique du ventre » politique qui consiste en la
confusion entre la chose publique et les biens privés, politique selon laquelle les responsables
administratifs s’octroient le droit d’utiliser la caisse de l’Etat comme si elle leur appartenait,
politique selon laquelle il est reconnu par la majorité des citoyens d’un tel Etat, que «la
chèvre broute là où elle est attachée ». C’est ce qu’on va appeler dans notre travail la
patrimonialisation. Nous y reviendrons durant notre travail. Néanmoins, tenant compte du cas
du Cameroun, on se rend compte que les libertés, les droits de l’homme et des éléments de
démocratie sont bien ancrés dans la Constitution de 1996
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; mais serait- ce suffisant pour
qu’au final on considère l’Etat du Cameroun comme un Etat démocratique respectueux des
droits de l’Homme ?
Aux regards des définitions que nous avons données aux concepts de liberté,
démocratie et droits de l’homme, nous nous demandons comment elles sont au Cameroun.
Ces définitions seraient elles universellement admises ou alors s’adapteraient- elles au
contexte camerounais ? Il s’agit en réalité de savoir quelles sont les conditions mises en place
pour l’implémentation de ces concepts. Quelles sont les sources à l’origine de du fait qu’on
considère le Cameroun Etat démocratique et respectueux des droits de l’homme ? Au travers
des évènements (villes mortes
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, grèves, émeutes, élections de 2011), pouvons- nous
considérer ces concepts comme une simple fiction, des principes justes théoriques ; où alors
ces principes démontreraient avoir une signification qui leur est propre, une raison d’être dans
le contexte particulier qu’est celui du Cameroun ? Comment sont donc appréhendés la liberté,
la démocratie et les droits de l’homme dans le contexte camerounais ? Nous ne saurons
donner une réponse adéquate actuellement sans avoir toutefois fait une étude approfondie de
Francophonie et du Commonwealth de part son bilinguisme (français, 80% de la population et anglais). Elle
compte 10 régions divisées en 58 départements et sa population en Janvier 2010 était estimée à 19 406 100
habitants.
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La loi constitutionnelle n° 96-06 du 18 Janvier 1996 modifie la Constitution du 02 juin 1972.
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Opérations de “villes mortes” qui commencent en Mars 1991 suite aux nombreuses arrestations d’opposant par
le pouvoir en place, bien qu’il fût question de la libéralisation des Institutions. Ces émeutes s’étendent sur tout le
territoire camerounais. Il est pour cela annoncé des élections et une réforme constitutionnelle et le président de la
république a pour cela décrété l’état d’urgence qui a aboutit au « Commandement opérationnel ».
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la situation du gouvernement camerounais, des textes et lois adoptés par le parlement, les
modalités des élections et la situation des droits de l’Homme.
C’est pourquoi il sera question pour nous de parler tout d’abord du fondement de la
liberté positive et négative du citoyen camerounais, et à quel degré elle est respectée. La
liberté du citoyen allant de pair avec la démocratie, il nous reviendra donc d’établir les
sources, les conditions, les modalités d’application de la démocratie et la considération de
celle- ci dans le contexte de l’Etat camerounais. C’est dans cette optique que nous essayerons
de comprendre ce qu’est en réalité la démocratie au Cameroun. Le Cameroun, faisant partie
des Etats ayant adhérés aux Nations unies, il est donc clair que c’est un pays qui accepte
respecter les droits fondamentaux des citoyens et la dignité humaine ; ceci pourrait se
comprendre aussi au travers de la présence des organismes internationaux sur son territoire.
Mais au final, le respect des droits de l’homme y résulte vraiment controversé de sorte que
certains organismes (Amnesty internationale, le parlement européen…) ont du intervenir pour
dénoncer certaines violations et incertitudes dans le traitement des citoyens. Une étude
approfondie de la situation du Cameroun serait donc nécessaire afin que nous puissions
comprendre à quel point en sont les principes de libertés, démocratie et droit de l’homme au
Cameroun.
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CHAPITRE I - LE RESPECT DES LIBERTES
FONDAMENTALES DANS LE CONTEXTE CAMEROUNAIS
Généralement, la liberté se qualifie à travers deux adjectifs opposés, à savoir la liberté
négative et la liberté positive. Il est vrais qu’après une étude approfondie, on se rend compte
que pour une liberté effective, les deux qualificatifs doivent coïncider et sont pour cela
complémentaires. La liberté négative est l’absence de contrainte. Elle indique cette forme de
liberté qui consiste en la négation du pouvoir autrui. D’après cette conception de la liberté,
adhérant ainsi à l’assertion de Bovero Michelangelo dans son ouvrage contro il governo dei
peggiori: una grammatica della democrazia, p 69, « une personne peut être définie libre si et
dans la mesure où sa conduite ne rencontre pas d’empêchement et ne subit pas de
contraintes ». Le non empêchement et le non contraint sont ainsi les deux conditions
logiquement négatives de la liberté. Friedrich Hayek définie la liberté négative comme :
« l’absence de coercition, l’interdiction de prescrire aux autres ce dont ils ne veulent pas, la
possibilité pour eux de trouver le chemin de leur propre progrès et des relations harmonieuses
avec les autres. ». Nous nous rendons donc compte, que la liberté négative correspond à ce
que nous appelions les libertés individuelles fondamentales garanties par les constitutions
civiles modernes. Le pouvoir politique ne peut donc pas imposer des obstacles et contraintes
dans certaines sphères de liberté du citoyen. L’autre aspect de la liberté est la liberté positive,
définit comme cette forme de liberté qui coïncide avec le pouvoir sur soi, l’autonomie. Une
personne est libre quand elle est en mesure de prendre les décisions d’elle- même, quand elle
est capable de vouloir et de déterminer sa propre volonté, quand elle capable de choisir. Elle
est donc la “capacité de déterminer sa propre volonté, sans laisser qu’elle soit déterminée par
d’autres” (Bovero Michelangelo, contro il governo dei peggiori: una grammatica della
democrazia, p 70). Après ces deux qualifications de la liberté, on se rend compte que dans les
Etats modernes, Etats de droit, les deux assertions coïncident, dans la mesure où la première
liberté correspond aux libertés fondamentales et la deuxième renvoie à la liberté de l’individu
en tant que citoyen dans un Etat capable de prendre des décisions politiques. C’est pourquoi
nous pouvons dire que « un sujet est libre s’il a la capacité d’autodétermination, de diriger sa
volonté vers un but, de choisir une conduite, et ensemble s’il a l’opportunité de réaliser son
choix s’il n’est pas empêché dans son comportement ou s’il n’est pas contraint de tenir un
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comportement différent » (Bovero Michelangelo, contro il governo dei peggiori: una
grammatica della democrazi, p 70).
C’est au travers de cette définition finale que nous allons étudier le cas de la liberté des
citoyens du Cameroun. Nous verrons pour cela dans quelles conditions “les quatre grandes
libertés des modernes” de Bobbio, à savoir la liberté personnelle, la liberté d’opinion, la
liberté de réunion, la liberté d’association, sont respectées au Cameroun. Après avoir fait une
étude approfondie de la constitution dans cette lancée, il nous reviendra de faire une
comparaison entre les textes et la réalité vécue par les citoyens camerounais.
I. En quoi consiste la liberté positive et négative du citoyen au
Cameroun ?
La liberté positive et négative au Cameroun est, tout comme le dit la définition
générale, la capacité qu’a le citoyen camerounais de déterminer sa propre volonté, de choisir
sans contraintes. Et bien sûr agir en tenant compte des limites prescrites par la loi. Le citoyen
camerounais trouve ainsi le fondement de sa liberté dans la Constitution du 18 janvier 1996,
et certains textes de lois émis par le parlement. Il sera donc question pour nous de faire une
Etude approfondie de la Constitution de la République du Cameroun et sur des textes ayant
trait aux libertés fondamentales de l’individu et à leur libertés politiques. Et enfin nous
verrons dans quel domaine effectivement ces libertés sont appliquées.
A- La Constitution de 1996, et les textes de loi et les libertés du citoyen.
1- Les libertés des citoyens camerounais dans la Constitution de
1996.
La Constitution de la république camerounaise du 18 janvier 1996, définie le
Cameroun comme respectueux des droits de l’Homme et du citoyen. Le Cameroun est donc
un Etat de droit qui prend en compte les opinions des citoyens dans le respect de leur dignité