11
1.4 Le sous-titrage
Le deuxième procédé utilisé amplement dans le domaine de la traduction audiovisuelle
prévoit la réalisation des sous-titres. La différence la plus marquée entre sous-titrage et
doublage, c’est le fait que le doublage se développe totalement sur le plan oral, alors que les
sous-titres se développent au moyen d’un changement de plan : « on est en présence d’une
variation diamésique, puisqu’un texte oral est transformé en un texte écrit », (PETILLO,
2008 : 105)
13
. Le résultat est une double difficulté qui caractérise les sous-titres et à laquelle
les professionnels qui travaillent dans ce secteur doivent faire face : d’un côté, il y a le
passage de la langue source à la langue cible, tout comme dans le doublage ; de l’autre, il y a
le passage de l’oral à l’écrit.
Ce dernier passage accroit le risque de perdre des éléments-clé du milieu cinématographique et
filmique, notamment la perception des émotions déterminées par le texte oral au moyen du
langage para-verbal et extra-verbal et des traits de l’oralité. Effectivement, transposer des
émotions engendrées par l’oralité dans des mots écrits est une tâche difficile : il suffit de penser
à la charge émotionnelle transmise par l’usage d’un certain mot, par l’intensité de la voix de
l’acteur, ou tout simplement par l’intonation des acteurs. Voilà pourquoi les sous-titreurs ont
non seulement le devoir de réaliser une bonne traduction, mais ils sont aussi responsables de la
création d’un équilibre entre le plan oral et le plan écrit.
Avant de parler proprement de sous-titres, il serait utile d’analyser, en quelques mots, l’histoire
du cinéma que nous connaissons aujourd’hui, dont l’invention est attribuée au frères Lumières
en 1895. Le cinéma, à l’origine, était muet ; il faut attendre la fin des années 20 du XXème
siècle pour l’apparition du cinéma sonore. A l’époque du cinéma muet, on utilisait les intertitres,
dont la définition est renvoyée à un autre chapitre (cf. 1.7 Les intertitres). En bref, ils étaient
utilisés pour apporter des informations complémentaires aux images et ils sont considérés
précurseurs des sous-titres actuels. Le passage au cinéma sonore détermine l’introduction des
sous-titres qui, au fil des ans, ont évolué en suivant l’évolution de la technologie
14
.
Jusqu’à récemment, la technique du sous-titrage a été considérée principalement dans une
dimension traductive, bien que la traduction audiovisuelle ne soit pas globalement considérée
comme un procès de traduction scientifique :
13
[ma traduction de l’italien].
14
https://it.wikipedia.org/wiki/Storia_del_cinema.
12
certains spécialistes posent l’accent sur la dimension relative à la réduction textuelle.
Ian Mason ne considère pas les sous-titres comme un résumé du texte original, mais
comme une « réduction sélective » visant à adapter la langue aux circonstances.
15
(PEREGO, 2007 : 37)
La première considération qui ressort de cette citation ne peut qu’être une : il est impossible de
reproduire totalement les dialogues des films ou des programmes au moyen des sous-titres. Le
recours à la réduction de texte est donc impératif afin de faire face aux contraints de temps et
d’espace.
1.4.1 La réduction
Afin d’atteindre ce but, on peut utiliser une série de stratégies (indiquées ci-dessous) pour
réaliser le passage de l’oral à l’écrit : « condensation, omission ou paraphrase, ellipse, union
des dialogues brefs, simplification du lexique et de la syntaxe, subdivision logique des sous-
titres », (PETILLO, 2008 : 116, 117, 118 )
16
.
La condensation concerne une réduction, ou plutôt, une synthèse des informations transmises
par les dialogues. Il n’est pas question d’éliminer un certain nombre d’information, mais de les
reformuler de façon plus synthétique. Ici, le professionnel doit choisir les éléments à garder
identiquement et les éléments à résumer, car la réduction se produit « à niveau linguistique et
non d’information », (PEREGO, 2007 : 85)
17
.
L’omission et la paraphrase sont deux opérations complémentaires, car omettre un élément
signifie paraphraser le reste du discours. Cependant, l’omission est une opération plus visible,
et peut avoir des conséquences considérables. Il faut réfléchir sur le fait que si dans le doublage
la bande sonore est remplacé par une autre bande, dans le sous-titrage la bande sonore ne change
pas. Par conséquent, même en omettant un mot inutile, le spectateur a quand même accès au
son. En effet, le spectateur a accès à la fois au canal visuel et au canal auditif.
15
[ma traduction de l’italien].
16
[ma traduction de l’italien].
17
[ma traduction de l’italien].
13
L’ellipse est une stratégie visant à obvier aux contraints spatio-temporelle. Par définition,
l’ellipse est « l’omission d’un ou de plusieurs éléments (que l’on peut néanmoins déduire) »
18
.
Par exemple, tout simplement, on peut omettre les répétitions inutiles.
L’union des dialogues brefs se révèle utile pour permettre au public de lire les sous-titres de
façon fluide en situations où, par exemple, il y a des dialogues frénétiques.
La simplification du lexique et de la syntaxe est opportune en cas de structures ou de mots
complexes dans la langue de départ. Le but à atteindre est la préparation de sous-titres favorisant
une lecture fluide. Il est indispensable d’utiliser un langage limpide, et remplacer les mots qui
pourraient être difficiles à comprendre par des synonymes d’usage quotidien. Pour achever cet
objectif, le sous-titreur peut choisir d’utiliser des propositions coordonnées à la place de
propositions subordonnées.
La subdivision logique est relative aux informations véhiculées par les sous-titres. Chaque sous-
titre doit représenter une unité de sens indépendante, pour permettre une compréhension rapide
de la part des spectateurs.
Cela étant dit, il ne faut pas oublier que les sous-titres ne constituent qu’un moyen audiovisuel
de soutien pour le produit cinématographique et télévisé ; le spectateur doit être conscient que
les informations auxquelles il a accès grâce au sous-titrage représentent une toute petite fraction
de l’expérience cinématographique totale.
1.4.1.1 La réduction en pratique
Ayant parlé de stratégies pour la réduction des dialogues originaux, on a expliqué que parfois
il est utile d’omettre des répétions pour faciliter la lecture. En même temps, il faut tenir compte
aussi des implications émotives des mots. A ce propos, je vais citer un cas qui pourrait
exemplifier les circonstances où le sous-titreur choisit de garder la répétition pour renforcer
l’idée et préserver le même niveau de charge émotionnelle.
L’analyse porte sur une scène du film Interstellar, réalisé par Christopher Nolan en 2014. Il
s’agit d’un film de science-fiction qui parle de Cooper, un ancien astronaute. Il part en quête
d’une nouvelle planète qui puisse accueillir les humains, car la Terre va mourir vite. Pendant
son voyage, il est obligé de plonger dans un trou noir, et pense qu’il va mourir. Au contraire, il
18
https://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/ellipse.php
14
arrive dans une nouvelle dimension qui lui montre des moments du passé. En particulier,
Cooper revoit le moment où il doit dire adieu à sa fille, Murph. Murph lui demande de ne pas
partir, parce que le « fantôme » de sa chambre disait : « Reste ». Cooper découvre que le
fantôme de la chambre n’était que lui-même dans une dimension future ; il comprend que, grâce
à cette nouvelle dimension, il peut communiquer avec sa fille dans le présent et sauver l’avenir
des hommes. Dans cette scène très touchante, l’acteur comprend ce qu’il doit faire et parle avec
le robot TARS.
Le dialogue est très émouvant :
TEXTE SOURCE
Cooper: That’s why I’m here. I’m going to find a way to tell Murph, just like I found
this moment.
TARS: How, Cooper?
Cooper: Love, TARS. Love. […] My connection with Murph, it is quantifiable. It is the
key.
19
SOUS-TITRES EN ITALIEN
Cooper: Per questo sono qui io. Troverò un modo per dirlo a Murph, così come ho
trovato questo momento.
TARS: Come, Cooper?
Cooper: Amore, TARS, amore. […] Il mio legame con Murph è quantificabile. È la
chiave.
Ici, l’acteur répète le mot love deux fois. Etant donné qu’il s’agit d’un moment crucial pour
l’histoire, le mot a été gardé même dans les sous-titres en italien. Omettre le mot, bien que
répétitif, aurait privé les spectateurs de la compréhension de la valeur de cette émotion. Il s’agit
du moment où Cooper comprend que l’amour dépasse les barrières du temps et de l’espace. Le
19
Cooper : C’est pourquoi je suis ici. Je vais trouver la façon de parler avec Murph, tout comme j’ai
trouvé ce moment. TARS : Comment, Cooper ? Cooper : L’amour, TARS, l’amour. […] Ma connexion
avec Murph est quantifiable. C’est la clé. [notre traduction]
15
public aurait quand même compris ce qu’il se passait dans cette scène, mais les sensations
transmises auraient eu un effet moins fort.
Image 2. Extrait du film Interstellar
1.4.2 Classification des sous-titres
Classifier les sous-titres est un défi relevé par beaucoup d’experts et de chercheurs qui
travaillent dans le monde de la traduction audiovisuelle. Et pourtant, il est très difficile
d’identifier une seule solution pour cette question, car il y a beaucoup de facteurs qui
influencent le choix à faire. Selon Díaz-Cintas et Remael, on pourrait regrouper les différents
types de sous-titres selon cinq critères : « le critère linguistique, temps nécessaire pour la
préparation, le critère technique, méthode de projection, et mode de distribution », (DIAZ
CINTAS, REMAEL, 2009 : 13)
20
.
On abordera le sujet de la classification des sous-titres selon un critère linguistique plus en bas,
puisqu’il est le critère le plus élaboré et compliqué.
20
[ma traduction de l’anglais].
16
D’abord, analysons le critère du temps nécessaire pour la préparation des sous-titres. Cette
catégorie divise les sous-titres en deux groupes, « les sous-titres différés et les sous-titres en
direct », (DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 19)
21
. Ce que distingue les deux types de sous-
titres, c’est principalement le moment où le sous-titres sont produits : dans le premier cas, les
sous-titres sont réalisés après que le film ou le programme ont été tournés, et cela signifie que
le traducteur a du temps pour produire les sous-titres ; dans le deuxième cas, le sous-titres sont
réalisés en même temps que le programme ou événement à sous-titrer. Habituellement, les sous-
titres en temps-réel sont utilisés dans le domaine de la traduction pour sourds et malentendants,
en situations où il est impossible de les préparer en avance ; par exemple, on parle d’une
interview en direct ou d’un discours officiel. Il est rare qu’ils soient utilisés d’une langue source
à une langue cible, mais au cas où il y ait la nécessité, la présence d’un interprète pourrait aider
beaucoup les sous-titreurs. Les sous-titres en direct vers la même langue peuvent aussi être
élaborés grâce à un logiciel de reconnaissance vocale (DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 19).
Passons maintenant au critère technique. La division à faire dans ce contexte concerne « sous-
titres ouverts et sous-titres fermés » (DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 21)
22
. La différence
entre ces deux types est vraiment simple : les sous-titres ouverts sont incrustés sur la vidéo. Les
spectateurs n’ont pour possibilité que de lire les sous-titres. Les sous-titres fermés peuvent être
sélectionnés en cas de besoin.
Le troisième critère est celui de la méthode de projection. Ce critère est le plus technique, et
concerne le procédé de transmission des sous-titres aux films et aux programmes (DIAZ
CINTAS, REMAEL, 2009 : 22). Selon ce type de classification, on pourrait dresser une liste de
cinq éléments :
- sous-titrage mécanique et thermique ;
- sous-titrage photochimique ;
- sous-titrage optique ;
- sous-titrage par gravure laser ;
- sous-titrage par incrustation électronique.
23
(DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 22)
21
[ma traduction de l’anglais].
22
[ma traduction de l’anglais].
23
[ma traduction de l’anglais].
17
Pour conclure, il faut préciser que cette liste suit un ordre chronologique des méthodes utilisées
au fil des années. Le seul procédé utilisé aujourd’hui c’est l’incrustation électronique.
Terminons avec le critère relatif au mode de distribution, c’est-à-dire le moyen utilisé pour la
distribution du film ou programme :
Les sous-titres peuvent être réalisé pour :
- le cinéma ;
- la télévision ;
- vidéo sur demande, VHS ;
- DVD ;
- Internet.
24
(DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 23)
Les VHS n’existent plus, et les DVDs sont de moins en moins utilisés. Il faut remarquer que la
voix Internet inclut une pluralité de moyens, tels que les plateformes de streaming. Le moyen
utilisé peut influencer plusieurs facteurs, tels que la vitesse de lecture, la longueur des sous-
titres, ainsi que les instructions générales données par les entreprises ou les clients qui ont
besoins des sous-titres.
Les prochains paragraphes ont le but d’expliquer comment classifier les sous-titres selon le
critère linguistique, qui regroupe sous-titres intralinguistiques, interlinguistiques et bilingues.
1.4.2.1 Les sous-titres intralinguistiques
Les sous-titres intralinguistiques sont réalisés dans la même langue du film ou du programme
à sous-titrer ; il s’agit donc d’un « passage de l’oral à l’écrit », (DIAZ CINTAS, REMAEL,
2009 : 14)
25
. Les sous-titres faisant partie de cet ensemble sont subdivisés comme indiqué ci-
dessous :
- pour les sourds et les malentendants ;
24
[ma traduction de l’anglais].
25
[ma traduction de l’anglais].
18
- pour l’apprentissage des langues ;
- pour effet karaoké ;
- pour les dialectes de la même langue ;
- pour communications et annonces.
26
(DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 14)
Le premier type est représenté par les sous-titres pour sourds et malentendants, créés exprès
pour un publique de personnes sourdes. Cette forme de sous-titrage prévoit la transcription des
dialogues, aussi bien que les éléments paraverbaux qui ne sont pas accessibles au public sourd.
En quelques mots, il s’agit de sons déterminants pour la compréhension des produits :
personnages qui rient, téléphone qui sonne, bruits de pas, etcetera. On focalisera l’attention sur
les sous-titres pour sourds et malentendants dans le prochain chapitre (cf. Chapitre 2).
Le deuxième type de sous-titrage intralinguistique vise à l’apprentissage des langues. On peut
se demander quel est le rapport entre les sous-titrage intralinguistique et l’étude des langues, si
la condition nécessaire de ces sous-titres suppose l’utilisation de la même langue. La motivation
de ce lien réside dans le fait qu’utiliser ces sous-titres pendant que, par exemple, nous regardons
un film étranger, peut nous aider à mieux comprendre une langue et à « contextualiser la langue
et la culture d’autres pays », (DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 15)
27
. A cet égard, même les
sous-titres pour sourds et malentendants pourraient être utiles pour le même but, si aucune
forme de manipulation du texte source est opérée par le sous-titreur.
Le troisième type sert à créer un effet Karaoké ; cela signifie que ces sous-titres sont utilisés
seulement pour des films, programmes et produits cinématographiques où il y a des chansons.
Concrètement, le but à atteindre est celui d’engager le publique (DIAZ CINTAS, REMAEL,
2009 : 16).
Les sous-titres du quatrième type servent pour les situations où, bien que le publique partage la
même langue avec le film ou le programme, il y a des personnages utilisant un dialecte
indéchiffrable pour la plupart. Ce type de sous-titrage est particulièrement utile aux locuteurs
de langues parlées dans plusieurs pays, comme l’anglais ou le français, dont chacun possède sa
propre variante dialectale. L’utilisation de ce modèle de sous-titrage est efficace dans une autre
circonstance, notamment les films ou les programmes où il y a des personnages qui sont
26
[ma traduction de l’anglais].
27
[ma traduction de l’anglais].
19
étrangers et qui, parfois, font des erreurs de grammaire dans la langue du film ou du programme
((DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 16).
Enfin, le dernier type de sous-titres intralinguistiques se révèle spécialement avantageux dans
les endroits publics, comme par exemple dans les gares de chemin de fer ou dans les stations
de métro, où les communications sont transcrites sur des écrans et diffusées grâce à un système
d’affichage digital. Ces solutions sont utiles parce qu’assurent une communication immédiate
et, en même temps, ne dérangent pas les gens (DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 17).
1.4.2.2 Les sous-titres interlinguistiques
Ce groupe de sous-titres implique une traduction d’une langue source à une langue cible. Ici,
les sous-titres se divisent en deux catégories : « sous-titres pour les entendants et sous-titres
pour les sourds et les malentendants », (DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 14).
28
Pendant longtemps, dans les pays traditionnellement doubleurs, les sourds et les malentendants
n’avaient pas accès à des sous-titres ad hoc. En revanche, dans les pays traditionnellement sous-
titreurs comme le Portugal ou la Suède, les sourds et les malentendants utilisaient les mêmes
sous-titres créés pour les entendants. Ces sous-titres n’étaient pas suffisants à satisfaire les
attentes de ce type du publique, mais heureusement la situation a changé énormément. Pour les
films sous-titrés importés des nations étrangères, il existe désormais une double version : la
première est adaptée aux besoins d’un public entendant, et la deuxième adaptée aux besoins
d’un public sourd ou malentendant. On en parlera de façon plus approfondie dans le deuxième
chapitre (DIAZ CINTAS, REMAEL, 2009 : 18).
1.4.2.3 Les sous-titres bilingues
Ce type de sous-titres est typique des pays bilingues, tels que la Belgique, où les sous-titres sont
projetés en français et en flamand, ou la Finlande, où les sous-titres sont projetés en suédois et
finnois. En plus, ces sous-titres sont utilisés lors de festivals internationaux du cinéma.
Normalement, à l’occasion de la projection des films, on utilise des sous-titres en anglais pour
éviter d’exclure un public international, et en même temps des sous-titres dans la langue du
28
[ma traduction de l’anglais].