6
Les rues de la capitale Taipei ont pris à ce moment les noms qui sont conservés encore
aujourd'hui, c'est-à-dire ceux des vertus traditionnelles confucéennes, et le grand boulevard
qui se situe face au palais présidentiel était renommé Ŗde la longue vie de Tchiang Kai
Shekŗ (Jiang Shou)
1
. Le système éducatif passait rapidement et exclusivement en langue
chinoise. Le réalisateur Wan Ren, que nous avons eu la possibilité d'interviewer pendant le
15ème Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul en 2010
2
, décrivait cette politique culturelle
comme une vraie annihilation linguistique: dans les écoles, les enfants étaient tenus de
porter un panneau autour du cou qui leur rappelait l'interdiction de parler en taiyu, la langue
locale, une variation du minnanhua parlée dans le Fujian en Chine continentale.
L'industrie audiovisuelle était aussi touchée par cette politique linguistique: tous les films
étaient produits en chinois mandarin et sous-titrés dans la même langue, pour permettre que
ceux qui ne connaissaient pas la prononciation puissent suivre les dialogues. L'organisme
central des productions cinématographiques, le CMPC (Central Motion Picture Company-
Dianying Zhongyang Qiye Gufen Youxian Gonsi), qui dépendait directement du
Kuomintang, encourageait les productions en chinois mandarin voire à travers des
collaborations avec des réalisateurs hongkongais. En 1962, le gouvernement soutenait
l'institution d'un prix cinématographique - ajourd'hui encore organisé de façon annuelle Ŕ
sous le nom de ŖCheval d'Orŗ (Jin Ma Jiang). Le réalisateur Wan Ren a exprimé aussi dans
son interview la possibilité que le nom de ce prix sert à rappeler aux autorités du
gouvernement de Chine continentale la souveraineté de la ROC sur les territoires de Jinmen
et Mazu, des îles proches de la côte chinoise, dont les premiers caractères sont aussi
présents dans le nom du prix.
Du point de vue des programmes de radio, le gouvernement avait établi un taux des
émissions en taiwanais limité au 45% du total des chaînes en AM et d'un tiers de celles en
FM
3
.
Dernièrement, l'introduction de la télévision, dans une période relativement tardive par
rapport aux autres pays (la date officielle, comme nous décrirons plus tard, est celle de
1962, alors qu'en RPC on fait référence au 1956 comme date de naissance de l'industrie
télévisée). La chaîne principale (NETV , aujourd'hui TTV) et les deux gérées par le
Kuomintang avaient un pourcentage possible total de 30% pour l'émission de programmes
en langue autre que le chinois mandarin (Dreyer, op.cit.). En outre, les personnages des
contes télévisés qui ne parlaient pas en chinois mandarin étaient souvent représentés comme
des criminels ou des gens de niveau social inférieur
4
.
1
Pour une description de la transition de la RPC à Taïwan, voir Corcuff, S., (2000), ŖLa transition de l'identité
nationale à Taïwan: une analyse de l'évolution des commémorations politiques ŗ dans Chaigne,C., Paix, C. & Zheng,
C., Taïwan:enquête sur une identité, Paris, Karthala.
2
Interview soutitrée en français disponible dans le Centre de ressources audiovisuelles de l'Inalco
(CERPAIM).
3
Dreyer, J.T.,(2003), Taiwan's Evolving Identity, Paper work presented at the Woodrow Wilson International Institute
for Scholars, Washington D.C., July 17.
4
À la page 97 dans Cheng, Feng-Shih, Mumin, Chen, (2010), Taiwanese Identity and the memory of 2-28: a case for
political reconciliation, Asian Perspective, 34, IV , pp.85-113.
7
L'intervention des États-Unis en défense de Taïwan et du gouvernement nationaliste, à la
suite de l'intervention militaire de Pékin et de Washington sur deux fronts opposés dans la
guerre de Corée en 1950, renforçait la séparation entre Chine et Taïwan et permettait une
évolution vers l'indépendance de facto de l'île.
Avec le passage générationnel, autour des années 60, un mouvement littéraire qui affirmait
l'ethnicité singulière de Taïwan pas rapport à la Chine arrivait sous le nom de bentuhua, et
remplaçait les thèmes et les styles narratifs de la tradition culturelle chinoise avec des
histoires empruntées à la réalité taïwanaise. Les protagonistes de ces histoires connaissaient
très bien la variété dialectale et donc la langue parlée, mais n'arrivaient pas parfois à
reconnaître les caractères chinois à l'écrit. Le taiyu utilise en effet en majorité les mêmes
caractères que le chinois mandarin mais avec une prononciation différente. Les écrivains
commençaient aussi à être les premiers à demander plus de démocratie, même si la vie des
gens ordinaires n'étaient pas forcément touchée par les rivalités politiques.
Wan Ren, dont le film ŖSuper Citizen Koŗ (1995) décrit de manière très détaillée cette
époque, parle d'un climat de répression silencieuse Ŕ qui pour cela a été nommé plus tard de
la Ŗterreur blancheŗ - où il suffisait aux gens ordinaires de ne pas parler de politique pour
pouvoir vivre tranquilles. Mais, comme il le spécifie dans son interview, pour ceux qui
avaient des idéaux démocratiques et qui ne se contentaient pas de ce que le gouvernement
leur imposait, la vie était bien plus difficile. Le réalisateur raconte comment les intellectuels
étaient souvent emprisonnés d'un jour à l'autre, sans que personne puisse le savoir. Les
agents du parti s'approchaient des piétons sur la rue, ils les forçaient à rentrer dans une
voiture, et on ne savait plus rien d'eux.
Un exemple assez clair des efforts du Kuomintang pour contrôler chaque forme de
communication dans cette période est l'histoire de l'écrivain Bo Yang (dont le vrai nom était
Guo Libang) emprisonné pendant huit ans pour avoir traduit une bande dessinée de Popeye
que Tchang Kai-shek avait interprétée comme une critique à la succession de son fils,
Tchang Thcin-Kuo, à la direction du parti.
Dans cette période, la question d'une démocratisation de l'île est liée à la volonté de
reconnaître à Taïwan une culture toute particulière qui n'appartient qu'à ce pays et qui en fait
sa spécificité. À partir de cette base, un sentiment identitaire et communautaire se
commence à former dans les esprits des citoyens, qui se voient toujours de plus en plus
distingués des chinois en RPC. Cela était possible grâce aussi à la volonté du gouvernement
de poursuivre une stratégie politique empruntée à la reconquête du continent et basée sur
une éducation rigidement confucéenne et en langue chinoise, en s'éloignant toujours plus
des citoyens. La méfiance envers le Kuomintang commence à se former après la répression
du 28 février 1947, ensuite renommée Ŗincidentŗ du 2-28 (Er er ba, de la date de cet
événement), et avait dans un premier temps montré la difficulté des Taïwanais à reconnaître
l'autorité du parti.
Elle était réapparue suite aux manifestations de Kaohsiung en 1979 en faveur des droits de
l'homme et contre la décision du KMT de retarder les élections de cette année.
La période assez difficile du point de vue politique était accentuée par l'abandon des États-
Unis et ensuite de la communauté internationale, et marquée par la perte, le 25 octobre
8
1971, du siège de Taïwan aux NU en faveur de la RPC. Après cette défaite sur le plan
international, le Kuomintang de plus en plus isolé comprenait qu'un changement radical
dans sa politique culturelle était nécessaire pour promouvoir une nouvelle image
internationale de son État, qui l'aurait distingué complètement de la Chine continentale.
Toutefois, cela provoquait aussi des tensions entre les groupes minoritaires des Hakka et
des populations aborigènes. Ces dernières, en 1985, protestaient en détruisant une statue de
Wu Feng -une divinité chinoise qui apparaissait dans les livres de texte des écoles
élémentaires comme divinité Ŗcivilisatriceŗ des aborigènes. Ces groupes demandaient aussi
au gouvernement de changer le nom officiel de Ŗgens de la montagneŗ (shanbao) à
Ŗhabitants originairesŗ (yuanzhumin). Ils voulaient ensuite défendre leur langue qui était en
train de disparaître. Les différents groupes se constituaient donc autour de l'idée de
retrouver une identité que la répression chinoise risquait d'effacer. Cette identité posait aussi
des nouvelles questions de politique interne et touchait les relations Ŕ politiques et sociales-
entre les nombreux groupes qui demandaient une reconnaissance majeure de la part du
gouvernement.
Ce processus aboutit a la levée de la loi martiale en 1987. La loi martiale, généralement
traduite dans la suspension des libertés fondamentales -notamment celles de se rassembler,
de manifester, et de ne pas être emprisonné sans fondement judiciaire- était en vigueur dans
le pays depuis 1948. Même si la Constitution de la République de Chine soutenait des
idéaux démocratiques, et la loi martiale s'applique généralement à une situation
exceptionnelle de crise, elle avait été adoptée après les incidents de 2-28 et restée en vigueur
pour plus de quarante ans. ŖOn se demandaitŗ - raconte encore Wan Ren - Ŗpourquoi dans
les autres pays, lors d'une crise, la loi martiale ne dure que deux ou trois ans, et chez nous
elle devenait une situation permanente!ŗ. Il a fallu attendre donc le 15 juin 1987 et
l'intervention de Tchang Tchin-Kuo, fils de Tchank Kai-Shek et président de la ROC, pour
mener un procès de reformes démocratiques complété seulement plus tard sous l'influence
du futur leader du Kuomintang, Lee Deng Hui. Ce dernier succède aussi à Tchang Tchin-
Kuo en tant que président de la ROC. Sa présidence marque le début d'une Ŗrévolution
tranquilleŗ
5
qui se base sur la singularité de l'identité taïwanaise et la redécouverte politique
des parties sociales restées exclues du processus décisionnel pendant les années de la loi
martiale. Lee Deng Hui rêvait d'une société pluraliste permettant d'unifier les différents
groupes ethniques présents sur l'île, ainsi que les deux groupes d'origine chinoise: les
bendiren, immigrés depuis longtemps sur l'île et parlant en prévalence le taiyu, et les
waishengren, arrivés après la défaite du Kuomintang et la perte du continent.
Pendant les élections pour la mairie de Taipei en 1998, où se présentait comme candidat
du KMT, le waishengren Ma Ying Jiu (aujourd'hui Président de la ROC), organisait une
mise en scène opérée par Lee Deng Hui qui montre bien cette idée. Le concept de Ŗmise en
scèneŗ rentre plusieurs fois sur la scène politique taïwanaise. Cet épisode rappelle qu'il est
très important de comprendre ces mises en scènes de la part des acteurs politiques pour bien
5
Ainsi la décrivent Kang Mei & Mallet dans Kang Mei, J., Mallet, P., (2005), Lee Teng-hui et la "révolution
tranquille" de Taïwan, L'Harmattan, Paris.
9
intérpréter le développement politique et le rôle de médias dans le pays. Revenant aux
élections pour la mairie de Taipei, pendant les derniers jours de la campagne électorale, à la
présence de plusieurs journalistes et télévisions, Lee Deng Hui demandait à Ma Ying Jiu, en
chinois mandarin, s'il était un waishengren ou un bendiren. Ma répondait en taiyu, en
précisant qu'il était un Ŗnouveau Taïwanaisŗ, qui mangeait du riz et buvait de l'eau de
Taïwan. Lee Deng Hui revenait sur l'épisode un an plus tard, dans l'écriture de son
autobiographie
6
. Il décrivait ainsi les nouveaux Taïwanais:
…Les Ŗnouveaux Taïwanaisŗ qui créeront une nouvelle Taïwan incluent les
aborigènes, ceux dont les ancêtres sont arrivés ici il y quatre cents ans [une référence
aux bendiren, ndlr] et ceux qui sont arrivés seulement dans un passé récent. Tous ceux
qui vivent ici et qui aiment Taïwan peuvent devenir des Ŗnouveaux Taïwanaisŗ
Plus tard, Lee Deng Hui s'éloignera lentement du KMT en fondant l'Union pour la
Solidarité de Taïwan et rentrant ensuite dans la coalition pan-verte, qui soutient plus
ouvertement l'indépendance taïwanaise face aux autorités chinoises de la RPC.
Pour ce qui concerne la période de sa présidence, Lee Deng Hui a accéléré le procès de
Ŗtaïwanisationŗ (Taiwan bentuhua yundong) de la culture et de la société du pays. Ce
mouvement culturel et social a redécouvert, suivant une vraie stratégie politique, la
production artistique, les langues, les usages non seulement de l'ère coloniale japonaise
mais aussi des aborigènes présents sur l'île. La nouvelle Taïwan trouvait ainsi ses racines
même avant l'arrivé des premiers immigrés de Chine (autour 1640). Dans le dessin
politique de Lee Deng Hui, la réponse au croissant pouvoir économique de la RPC était une
détachement complet du point de vue culturel et social de tout lien renvoyant au continent.
L'élite intellectuelle du pays a répondu avec enthousiasme à cette nouvelle idée de Ŗcréerŗ
en faite une culture nationale spécifique. Cette culture, comme nous tenterons de décrire
dans ce mémoire, a été et est encore utilisée aujourd'hui comme une vraie arme politique
face à l'avancée économique et politique du géant chinois de la RPC. La stratégie de Lee
Deng Hui était celle de se détacher complètement de la vieille idée de Tchang Kai Shek
pour lequel Taïwan était la vraie Chine. Pour lui, Taïwan était tout simplement Taïwan, une
nation différente. Mais puisque celle-ci était une idée complètement nouvelle pour les
hommes politiques du pays, Lee a eu besoin du soutien de plusieurs forces sociales pour
créer cette nouvelle dimension, et surtout de l'aide des médias. Le premier problème qu'il se
trouvait à resoudre était celui de convaincre ses compatriotes que les deux pays avaient
deux identités différentes. Comment pouvait-il arriver à le faire, si jusqu'à ce moment le
gouvernement n'avait fait que souligner qu'ils étaient un même peuple?
Une partie très importante de cette stratégie était vouée au développement culturel. Lee
parlait en première personne aux intellectuels qui sortaient de la période de la terreur
blanche. Ces derniers insistaient en particulier parce que le KMT se reconnaisse comme le
gouvernement non pas de la Chine, mais de l'île seulement, et trouvaient dans Lee un
représentant de leurs soucis.
6
Lee, Deng Hui, (1999),The Road to Democracy, Tokyo, PHP Institute, p.200.
10
Ce nouveau type de nationalisme parlait aussi à une génération qui avait souffert pour les
idéaux démocratiques et tentait donc de rétablir le contact avec les milieux intellectuels au
sein de la société. Ce n'est pas par hasard si le dessinateur Bo Yang devenait dans ces années
un des conseillers du président.
Finalement, de manière surprenante, la réussite de cette politique était due aussi à la
pression exercée par le gouvernement de Tchang Kai-Shek et à la répression des
intellectuels pendant la période de la terreur blanche. Toutefois, Lee Deng Hui devait se
confronter aussi avec plusieurs adversaires, notamment au sein de son parti, qui lui
reprochaient d'avoir inventé une fausse identité alors que la vraie nation taïwanaise était
celle qui dérivait de la République de Chine. Entre ceux qui s'opposaient à la politique de
Lee Deng Hui il y avait aussi James Song, futur candidat du KMT pour les élections
présidentielles de l'an 2000.
La période de réformes sous la présidence de Lee a mené à une ouverture pluraliste même
dans le champs politique, avec la constitution du premier parti d'opposition, le DPP
(Democratic Progressive Party), dirigé par Chen Shui Bian. La politique de Chen était
fortement indépendantiste et elle s'adressait aux classes sociales inférieures restées pour
longtemps loin de la politique. Avec des tons parfois très forts Ŕ ce qui lui causait d'être
considéré comme irresponsable par ses adversaires Ŕ Chen poursuivait le but de proclamer
avec force la souveraineté du pays dans tous les rapports avec la Chine continentale.
Toutefois, plusieurs analystes politiques soutiennent que la première victoire de Chen en
2000 était un produit de la division interne au KMT, partagé entre la ligne de Lee Deng Hui
et celle du candidat dissident James Soong plutôt que de l'habilité politique du DPP.
Cependant, il est difficile d'établir une cause principale, mais l'ensemble de ces facteurs a
conduit à huit ans de gouvernement du DPP et a radicalement influencé la politique
culturelle taïwanaise. Les efforts pour la Ŗtaïwanisationŗ sont augmentés au fur et à mesure
et un revival de la culture indigène a eu lieu avec la collaboration des médias liés au DPP,
principalement les chaines FTV et Sanli. La production des séries télévisées en taiyu ou
liées à la culture locale (xiangtuju) augmentait rapidement, même quand la popularité du
DPP était en forte baisse après plusieurs scandales de corruption au sein du parti.
Lors des successives élections présidentielles de 2004, et pendant la campagne électorale,
une autre Ŗmise en scèneŗ se produit encore avec un rôle très important dans l'évolution
politique. Chen Shui Bian, qui se présentait pour son deuxième mandat, était en forte baisse
dans les sondages pré-électoraux face au candidat du KMT Lian Zhan
7
. Le 19 Mars 2004,
Chen était victime d'un attentat pendant un discours de clôture de la campagne électorale
dans sa ville natale, Tainan. Le tireur isolé l'avait bléssé légèrement à l'estomac causant
aussi des blessures aux jambes de la vice-présidente Annette Liu. Le jour d'après, Chen
7
V oir par exemple les sondages réalisés par Shafferer dans Schafferer, C., (2004), ŖThe 2004 Presidential Election in
Taiwanŗ, Online Journal of the Austrian Association of East Asian Studies, III, 1.
11
remportait la victoire aux élections pour son deuxième mandat avec une marge de 30.000
voix sur un total d'environ 12.9 millions.
Les députés de la coalition pan-bleue, guidée par le KMT, ouvraient une commission
d'enquête soupçonnant que Chen aurait organisé l'attentat pour influencer les résultats
électoraux. Le législateur Chen Wen Tian (KMT) utilisait de sa part une interview télévisée
pour accuser directement le président. Il y révélait qu'il avait reçu un coup de fil de
l'infirmière de l'hôpital de Tainan où Chen avait été emmené qui confirmait que tout avait
été inventé. Toutefois, le cas n'a jamais été explicité, mais on a estimé qu'à travers
l'attention donnée par les médias à cet attentat, dix pour cent des votants a changé son
opinion en faveur de Chen Shui Bian
8
Cependant, les médias ne sont pas restés des alliés fidèles du président Chen pendant tout
son nouveau mandat. Même avec certaines différences par rapport à leur camp politique, les
journaux et les chaînes de télévision, peu après les élections, commencèrent à critiquer la
famille de Chen, et notamment sa femme Wu Shu Chen, impliquée dans plusieurs scandales
de corruption. Pendant les années qui vont jusqu'à 2008, la stabilité politique interne était
très menacée par ces scandales, et en 2008 les protestations de citoyens augmentaient
vigoureusement. Finalement, dans l'année 2008, le KMT remportait à nouveau les élections
présidentielles grâce au candidat Ma Ying Jiu, déjà maire de la ville de Taipei.
Les deux premières années de la présidence de Ma étaient concentrées à un changement
de stratégie surtout par rapport aux relations diplomatiques avec la Chine. L'ère du premier
mandat de Ma Ŕ les nouvelles élections sont prévues en janvier 2012 Ŕ est un moment de
réconciliation, surtout économique, avec la RPC, et d'une nouvelle redécouverte de
l'héritage culturel chinois classique dans le pays. Ma est un nouveau Taïwanais, mais,
semble-t-il dire à ses compatriotes, l'indépendance ne signifie pas la rupture des relations
avec la RPC. Cette stratégie se concentre surtout sur la réalisation de nombreux accords
économiques, dont le plus important a été l'ECFA (Economic Cooperation Framework
Agreement). Cet accord, signé le 29 juin 2010, à Chongqing, dans la RPC, a pour but de
réduire les tarifs commerciaux et les barrières entre les deux pays. Il poursuit, en effet,
comme le décrit Xie Shengyou
9
un rapprochement d'abord économique, qui ne touche pas
pour l'instant aux rapports politiques.
Cette diplomatie économique a attiré l'attention des médias dans deux sens.
Premièrement, les industriels du divertissement ont vu la possibilité d'une ouverture vers un
des marchés potentiels les plus vastes au monde, possédant de plus le même système
linguistique. Dans cette optique, ils ont commencé à chercher de plus nombreuses
occasions de coproduction avec les chaînes de la RPC, et à introduire des villes comme
Shanghai ou Pékin dans le processus de tournage. De l'autre côté, les télévisions et les
journaux se sont intéressés au débat causé par la signature de ce traité: est-ce qu'il
représente une concession à la Chine et une tentative de réunification, ou n'est-il qu'un
8
Dans Schafferer, C., (op.cit.)
9
謝盛友(Xie, Shengyou), (2009), 〈 德国先政治后经 济 , 两岸先经 济后政 治 〉[Deguo xian zhengzhi hou jingji,
liang‟an xian jingji hou zhengzhi- En Allemagne, la politique d'abord, ensuite l'économie, dans les relations inter-
détroit l'économie d'abord, puis la politique], China Week, 9 septembre.
12
moyen d'ouvrir aux industries taïwanaises la possibilité des échanges privilégiés avec la
RPC?
L'ECFA a montré la possibilité pour la télévision taïwanaise de devenir un lieu privilégié
pour la discussion future du rapport identitaire avec l'héritage chinois. Les deux positions
principales, celle favorable du KMT et celle contraire du DPP, ont trouvé leur place dans le
débat télévisée organisé par la chaîne publique PTS entre le président Ma Ying Jiu (KMT)
et la leader du DPP (candidate aux prochaines élections présidentielles) Cai Ying Wen.
Nous avons introduit dans les paragraphes précédents un problème central que nous
tenterons d'aborder dans notre mémoire: qu'est-ce Taïwan? Qu'est-ce que signifie de se
considérer comme Taïwanais aujourd'hui et dans quelle mesure cette idée peut-elle être
artificielle? Quel est le rôle du changement de la stratégie politique dans l'évolution de la
politique culturelle menée par une société? Et finalement, comment les médias, et
notamment la télévision, ont influencé ce processus à Taïwan?
À toutes ces questions, nous tenterons de donner des réponses ou d'argumenter des
différents points de vue tout au long des chapitres de ce mémoire. Toutefois, avant de
commencer avec le premier chapitre, il nous reste encore à bien spécifier ce que nous
indiquons avec le concept d'identité et de sentiment d'appartenance, et de plus introduire à
notre champ de référence, l'anthropologie des médias, notamment pour ce qui concerne la
culture populaire télévisée.
Le problème identitaire: construction artificielle ou caractéristique naturelle?
Taïwan représente un endroit privilégié pour l'étude et la compréhension des rapports
entre idéologie politique, identité ethnique et médias. Comme l'a montré l'anthropologue
Benedict Anderson
10
dans un essai souvent cité au sujet des questions identitaires, la nation
existe en tant que communauté imaginaire créée par plusieurs facteurs, et dans une partie
importante aussi par les moyens de communication de masse.
Depuis l'introduction des journaux, l'État moderne a utilisé les médias dans plusieurs
formes Ŕ à partir de la propagande jusqu'à la diffusion linguistique Ŕ pour renforcer l'image
unitaire de la nation. Il a aussi créé le sens de simultanéité dans la vie des citoyens, avec le
but de renforcer son pouvoir. Les journaux ont représentés le premier pas vers ce but,
puisqu'ils racontaient une histoire collective qui se developpait chaque jours dans un même
moment, et à laquelle chaque citoyen pouvait contribuer. La télévision a été un autre moyen
pour diffuser et renforcer la présence de l'État de manière simultanée sur l'ensemble du
territoire nationale. Il y a dans cette idée la possibilité qu'un territoire se perçoit dans son
ensemble à travers la représentation qu'on nous fournit, ou mieux que un certain ensemble
culturel en fait. Un pays est ce que la télévision ou les journaux en font? Sans doute, il ne
faut pas trop croire au pouvoir occulte d'un big brother, mais les médias jouent un rôle
fondamental dans la perception que les individus ont d'eux mêmes en tant que communauté.
10
Dans sa traduction française, Anderson, Benedict, (1996), L'imaginaire national. Réflexions sur l'origine et l'essor
du nationalisme, Paris, La Découverte.
13
Remotti
11
critique fortement l'idée d'identité tout-court, et arrive à la nier en précisant
qu'elle n'est qu'un produit en transformation constante, et sur lequel l'individu n'a pas tout à
fait pleins pouvoirs de décision. L'identité et un flux continu ŕ qu'il est possible peut-être
de confronter avec les fluxes de Appadurai
12
ŕ qui se crée et se défait dans un temps
indéterminé. Pour cela, comme le soulignait Anderson (op.cit.) l'État fonde au contraire son
autorité sur une identité fixée, unique, stable dans le temps et basée sur la territorialité.
L'État prend aussi en charge le monitorage de ce territoire autant que celui des populations
et des mouvements aux frontières, qui sont en effet les zones où est plus sensible le côté
artificiel de cette identité.
Appadurai (op.cit.) lui même, en suivant la définition d'ŗhybriditéŗ culturelle donné par
Bhabha
13
propose une ré-interprétation de l'identité par rapport à la mobilité que la
globalisation a apportée en termes de mélange. Pour Bhabha (ibid., p.211) Ŗhybridityŗ c'est
…Un Ŗespace tiersŗ [...] un nouveau endroit de négociation de la signification et de la
représentation.ŗ
La pluralité et la transformation continue de l'identité sont deux concepts introduits par
les Cultural Studies, et en effet il serait plus correct de parler dans ces deux cas d'identité
culturelle, ou bien d'une sentiment qui change beaucoup en rapport avec la transformation
des cultures. Pour cela, il est fondamental de considérer l'influence exercée par les médias
au sein des différentes cultures.
Cependant, nous avons décrit comment la décision de passer à une Ŗtaïwanisationŗ de l'île
était née d'une volonté principalement politique. Cependant, cette idée était ensuite soutenue
par l'élite intellectuelle, par les médias et les domaines artistiques. Mais finalement, est-il
possible de dire qu'elle traduisait une vraie nécessité de la population taïwanaise? En quoi
l'identité taïwanaise était-elle créée par les médias, et en quoi existe-elle vraiment? Et
encore, est-il possible alors de la définir, de la traiter comme un sujet complet - comme
cherchent de faire récemment les sciences sociales dans ce pays - ou bien est-il plutôt
convenable de l’ interpréter comme un phénomène qui change à travers une évolution
continue?
Comment a-t-elle été utilisée en tant qu'arme politique dans le domaine culturel et social?
Si c'est possible d'essayer de comprendre dans quelle mesure les médias, et notamment la
télévision, ont contribué à la création du sentiment identitaire, il est bien plus difficile de
distinguer quel est le champ d'intervention de la télévision par rapport aux réactions des
spectateurs. Il est autrement difficile comprendre ce qui existait déjà de cette identité avant
son usage pour des fins politiques. Mais avant de passer à ce type d'analyse, il faut se poser
11
Dans son livre Contro l'identità, Remotti, Francesco, (2007), Bari, Laterza.
12
Appadurai décrit dans son ouvrage ŖModernity at Largeŗ cinq fluxes principales qui peuvent diriger l'anthropologue
dans ses recherches. Ils sont: ethnoscapes, mediascapes,technoscapes, finanscapes, ideoscapes. Ces fluxes
individuent que l'effet de la globalisation n'était pas l'homogénéisation de la culture, mais au contraire une
véhiculation des concepts culturels articulée selon ces fluxes. V oir Appadurai Arjun, (1996), Modernity at Large,
Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press.
13
Bhaba, Homi, (1990), The Third Space, dans J. Rutherford (ed.), Identity: Community, Culture, Difference, 207-
221, London, Sage.
14
encore quelques questions à l'égard du problème identitaire à Taïwan.
Quelle est l'identité taïwanaise? Est-elle unique ou bien présente-t-elle plusieurs aspects
que la télévision propose aussi?
Mayfair Yang
14
voit dans la télévision taïwanaise, et notamment dans ses séries télévisées,
un modèle de Ŗpan-nationhoodŗ qui s'adresse à l'intégralité des sinophones et crée une
communauté alternative à la fragmentation politique des régimes actuels. Au contraire, la
perspective étatique interne au pays est celle d'une nécessite, comme nous l'avons vu, de
créer un modèle plus local, indigène, qui ressemble en quelque sorte aux Ŗmédias
indigènesŗ
15
et qui est centré sur la pluralité ethnique de l'île mais, en même temps enfermée
à l'intérieur de ses frontières. Il y dans ces deux modèles distincts la contradiction qui existe
entre le concept chinois du yitong
16
pour lequel l'État chinois est un ensemble qui réunit
différentes cultures, régions et groupes ethniques dans une nation unique, et l'effet de la
colonisation japonaise sur Taïwan, dont l'effet primaire a été de rompre ce lien et tracer une
ligne de démarcation au milieu du détroit et dans les esprits des Taïwanais.
Un sondage de la chaîne de télévision TVBS
17
, liée au KMT, en 2008, proposait aux
spectateurs de choisir s'ils voulaient se définir comme Taïwanais ou Chinois. Les résultats
montraient que le 68% de la population aurait voté pour la première solution et seulement le
18% aurait choisi ŖChinoisŗ. En tout cas, il ne faut pas croire que les habitants du pays se
perçoivent eux-mêmes comme une unité spécifique et indissoluble. Comme le montre bien
la fragmentation des médias et la naissance de chaînes télévisées en langue Hakka ou dans
des langues aborigènes, il y a des autres distinctions qu'il est nécessaire de faire quand on
parle des ŖTaïwanaisŗ. Elles relèvent premièrement des groupes des Hakka, immigrés du
sud de la Chine et notamment du Guandong qui forment environ le 15-20% du total de la
population du pays
18
, et des groupes aborigènes qui forment environ le 2% du total. Le
ŖConseils des Aborigènesŗ reconnaît aujourd'hui quatorze groupes différents. Dans quelle
mesure peuvent-ils se définir ŖTaïwanaisŗ (Taiwan ren) et comment peuvent-ils entrer dans
le débat sur les rapports avec la RPC (qui d'ailleurs les reconnaît comme une des ses 56
minorités)?
En 2010, un nouveau terme a remplacé les définitions utilisées jusqu'à aujourd'hui,
14
Yang, Mayfair, (2002), Mass Media and Transnational Subjectivity in Shanghai: Notes on (Re)Cosmopolitanism
in a Chinese Metropolis, dans Ginsburg, Faye D., Abu-Lughod, L., Larkin, B. (eds.), Media Worlds.
Anthropology on New Terrain, Berkeley, University of California Press.
15
Les médias indigènes révèlent la capacité des cultures de s'adapter à l'évolution de la technologie de médias pour
protégér leur propre culture. Ce concept était développé dans Ginsburg, F., (1995), ŖMediating Culture: Indigenous
Media, Ethnographic Film, and the Production of Identityŗ, in Askew, K. And Wilk, R. (eds.) The Anthropology of
Media. A Reader, Malden, MA - Oxford, UK - Carlton, Victoria, Australia, Blackwell, 2002, XI, pp. 210-225.
16
Le concept est décrit par Wachmann dans son essai sur le nationalisme à Taiwan. V oirWachman, Alan, (1994),
Taiwan: nationalism and democratisation, NY , ME Sharpe., p.23.
17
http://www.tvbs.com.tw/FILE_DB/DL_DB/even/200806/even-20080610175239.pdf ,
consulté le 1er jullet 2011.
18
23 millions d'habitants au total selon une enquête du gouvernement de 2007. Statistiques disponibles sur le site de
Statistiques Nationales de la R.O.C., http://www1.stat.gov.tw/mp.asp?mp=3 , consulté le 1er juillet 2011.
15
ŖCitoyen de la République de Chineŗ (Zhonghua Minguoren), et a été utilisé souvent à
l'occasion des célébrations pour le centenaire de la République de Chine en 2011. Toutefois,
le terme semble ne pas avoir une complète acceptation de la part de la population. Il est
probable que ce refus relève du fait que la définition se réfère à une institution politique, qui
ne clarifie pas d'ailleurs son territoire d'action. L'identité, nous l'avons vu avec l'exemple de
Ma Ying Jiu, a besoin des références claires et liées à une nature primitive (boire l'eau de
Taïwan et manger son riz montrent que c'est cette terre, et non pas une autre, par exemple le
continent, qui donne la vie).
La culture populaire et la place de la télévision dans les sociétés contemporaines
Pendant nos recherches de Master 1, nous avions introduit la question sur le genre
d'influence qui s'exerce entre la société et la télévision. Nous avions précisé qu'il ne faut pas
penser tout court que la télévision est un miroir dans lequel une culture ou une société se
reflètent, mais que la société elle même est influencée par les modèles de représentation
offerts par la télévision. Nous avons trouvé une possible réponse dans une interprétation
donnée par Katz
19
de l'idée d'interférence. Dans son essai, il expose l'idée que la télévision
et la société sont deux mondes entre lesquels existe une interaction, une interférence et qui
se reproduisent mutuellement. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que dans la majorité
des pays du monde, et dans la presque totalité des pays européens, la télévision est restée
sous un contrôle étatique fort et évident. Dans le monde occidental, la seule exception à ce
modèle sont les États-Unis, où depuis ses débuts la télévision a été une expression de
l'indépendance par rapport à l'institution étatique. Même dans ce cas, la télévision a
cependant représenté un modèle de morale et un instrument pédagogique jusqu'à la montée
du pouvoir économique des privés et la fragmentation de l'audience dans les années 80.
L'anthropologue d'origine égyptienne Lila Abu-Lughod
20
dans ses études sur l'Égypte a
posé ce problème à travers l'exemple de son pays, où la télévision et ses séries télévisées
avaient servi comme instrument étatique pour assimiler des communautés nomades ou
berbères dans le but de construire un État-nation.
En Égypte, la majorité de 69 millions de citoyens mène des vies extrêmement différentes,
mais tout le monde se réunit à la même heure, sur la même chaîne, et paysans, hommes
d'affaires, islamistes et progressistes restent collés devant la même série télévisée.
La télévision devient pour Lughod une sorte d'institution-clé pour la production de la
culture nationale, dans une forme qui inclut les différentes classes sociales.
Cet instrument, encore plus que le cinéma ou la radio, grâce à son usage du son, de
l'image mais surtout de la capacité de reproduction sur grande échelle, depuis son apparition
a renforcé donc le sentiment communautaire entre les spectateurs, voire elle est devenue
elle-même un vrai lieu (ou bien un non-lieu) où cette identité est mise en discussion.
En Chine populaire, comme nous avons décrit dans notre mémoire de M1, ce type de
19
Dans Katz, Elihu & Scannel, Paddy (eds.), (2009), The End of television?Its impact on the world so far, The Annals
of the American Academy of Political and Social Science, Vol.625, Philadelphia, September.
20
Lughod, Lila Abu, (2005), Dramas of Nationhood: the politics of television in Egypt, Chicago, UCP.
16
communication est devenu plus évident dans les dernières années, comme le notent Chris
Berry et Ying Zhu
21
.
Si le cinéma avait servi d’instrument de communication entre le centre
de pouvoir et les masses jusqu’à la fin de l’ère maoïste, l’avènement du capitalisme, de la
mondialisation et du commerce a changé le rapport. C’est donc à travers le réseau télévisé
que se constitue maintenant de plus en plus le dialogue entre les hautes sphères politiques et
le peuple. Par exemple, l'émission télévisée pour le Gala du Nouvel an Chinois, transmis
chaque année par la chaine principale de la CCTV , organise ses contenus sur la base des
priorités politiques du parti.
À Taïwan, la centralité du pouvoir étatique a fortement diminué après la levée de la loi
martiale. Notre intention est de savoir si dans la ROC la télévision a maintenu aussi, comme
en Chine, cette fonction de communication entre le gouvernement et les masses, ou bien si
les effets de la levée de la loi martiale ont permis une évolution plus libre de la télévision.
Est-ce qu'elle souffre toujours d'une influence politique très marquée, ou ressemble-t-elle
plutôt à un instrument de contrôle de la démocratie et maintient donc une certaine
indépendance par rapport aux partis?
Ensuite, quel rôle a-t-elle joué dans la définition de l'identité taïwanaise et dans la création
d'un sens communautaire entre les différents groupes qui participent à la société pluraliste
de Taïwan?
Les chaînes télévisée consacrées aux groupes minoritaires comme la télévision en langue
Hakka ou celle des aborigènes, sont-elles des efforts pour créer ce qu'on appelle
ŖIndigenous Mediaŗ
22
, ou relèvent Ŕelles plutôt d'une situation minoritaire qu'elles ne
tentent pas de changer? À ce propos, comment faut-il interpréter le fait que les financements
étatiques réservés à la chaîne Hakka (Hakka TV) sont la dixième partie de ceux qui sont
réservés à la télévision publique en langue chinoise
23
?
Notre premier chapitre sera consacré à la description du panorama de la télévision
taïwanaise. Nous tenterons d'abord de décrire la situation de l'industrie télévisée à partir de
sa naissance, sous l'influence du KMT, jusqu'à la levée de la loi martiale et sa
transformation après le passage du régime avec la démocratie sous la tentative de créer une
nouvelle identité pour cet État-nation.
Dans le deuxième chapitre, nous aborderons la thématique des séries télévisées. Plusieurs
anthropologues
24
ont souligné les rapports étroit entre la narrative des séries télévisées et
les stratégies politiques étatiques. Ces études ont montré comme les formes de
divertissement sont encore plus efficaces pour véhiculer rapidement le sentiment
d'appartenance juste parce que les spectateurs la regardent comme un divertissement.
21
Dans l'introduction à Zhu, Ying & Berry, C., (2009), TV China, Indiana University Press, Bloomington, p.5.
22
Un concept analysé par Ginsburg (op.cit.)
23
http://web.pts.org.tw/~web02/ptsenglish/report/2008-report.pdf , consulté le 1 juillet 2011
24
V oir par exemple Rofel, Lisa (1995), ŗYearnings: televisual love and melodramatic politics in contemporary Chinaŗ,
American Ethnologist, XXI, 700-22., Lila Abu Lughod (op.cit.)ou Vereni, Piero, (2008), Identità catodiche, Roma,
Meltemi Editore.qui ont étudié ce phénomène dans trois pays et trois cultures différentes (la Chine, l' Italie,
l'Egypte).