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1.2 - Origine des Catacombes de Paris.
L'origine des catacombes de Paris ne remonte pas, comme celle des
catacombes d'Egypte, de Rome ou de Naples, à l'antiquité. Ces souterrains
ne furent pas le lieu de sépulture des anciens habitants de Lutèce ; ils ne
présentent pas les corps des premiers peuples de la région.
Les catacombes de Paris trouvent l'origine dans l'utilisation que l'on fit d'elles
au XVIIIème siècle et au siècle suivant, grâce à l'idée du Lieutenant de Police
de l'époque, M. Lenoir, de créer un gigantesque ossuaire dans les anciennes
carrières de calcaire. Mais pour être d'une origine si récente, et pour n'avoir
aucun des caractères sacrés des autres catacombes de l'antiquité, elles
n'offrent cependant pas moins.
Depuis l'origine de la ville de Paris jusqu'à la Révolution, tous le Parisiens
furent enterrés dans différents cimetières, initialement situés à l'extérieure de
la ville selon une ancienne loi Romaine. Vers le XIIème siècle, l'église des
Saints Innocents fut construite le long de la rue Saint Denis, pour
accompagner la chapelle du cimetière
5
. Il y avait déjà plusieurs siècles que
ce cimetière servait pour la sépulture de plus de vingt paroisses différentes
qui y firent transporter leurs morts.
La pratique la plus courante étant en fosse commune, ces fosses pleines
étaient régulièrement vidées dans les charniers qui étaient les combles de
galeries souterraines qui entouraient le cimetière
6
. En 1186 Philippe-August
5
Pour ce qui concerne l'histoire de l'église et du cimetière, les aspects et les transformations, voir le
site http://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article275
6
Philippe Ariès, Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours, Seuil, Paris,
1975.
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l'agrandit et le fit entourer de hautes murailles et des portes qu'on fermait
toutes les nuits. Le cimetière fut englobé dans les nouvelles limites de la ville,
devenant ainsi un cimetière intra-muros. Ce fut un ordonnément nécessaire
car le lieu, dès que le jour avait cessé, devenait un lieu de débauche et de
prostitution pour les classes du peuple les plus pauvres.
La surface de l'ancien cimetière fut augmentée au siècle suivant par Pierre de
Nemours, évêque de Paris, à cause de l'accroissement progressif de la
population. La quantité des corps inhumés dans ce lieu était innombrable : on
compte, dans l'espace de sept siècles, plus d'un million deux cents mille.
L'inhumation des corps dans les fosses communes était une coutume
développée avec l'inspiration des croyants à être enterrées à proximité des
tombes des martyrs et des saints, au-dessus desquelles on élevait les églises.
La terre du cimetière des Innocents jouissait d'une grande réputation à
l'époque.
Toutefois, tous les accidents qui se manifestèrent au cours des siècles,
déterminèrent le gouvernement à penser de supprimer le lieu. Les épidémies
de peste provoquaient des milliers de morts tous les semaines, et la position
particulière du cimetière dans la ville, qui ne cessait de s'étendre,
contribuaient à rendre la situation sanitaire de plus en plus dramatique.
Quand les ossements dépassaient du sol à cause de la nombreuse quantité, on
les répartissait dans les niches. Quand les niches étaient pleines, d'autres
étaient construites. La décomposition sans cesse renouvelée de milliers de
cadavres favorisait la propagation des maladies. La suppression du cimetière
était nécessaire.
En 1554, deux médecins de la Faculté, Fernel et Houiller, réclamèrent au nom
d'une commission spéciale nommée pour examiner le problème, le
déplacement du cimetière. L'évêque, et l'importance du cimetière pour les
croyants, ne permirent d'effectuer l'évacuation
7
.
7
Fabrizio de Gennaro, Histoire des souterrains secrets de Paris, op.cit., p.50.
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Pendant le cours des siècles suivants, les habitants du quartier firent des
réclamations répétées, mais aucune d'elles ne fut accueillie. Un fait
particulier fit évoluer la situation. Le 30 mai 1780, rue de la Lingerie, à la
limite sud du cimetière des Innocents, un homme voulut descendre dans la
cave de sa maison, mais il n'y réussit pas. Le mur de la cave céda et des
centaines de corps envahirent le local, intoxiquant les habitants de la maison,
tandis que les murs des caves voisines se fissurèrent. Le mur latéral d'une
fosse commune de plus de 15 mètres de profondeur, ouverte quelque six mois
plus tôt et destinée à recevoir mille huit cents corps, n'avait pu résister à la
pression. Tous les habitants s'adressèrent au Lieutenant Général de Police
Lenoir, qui démontra que
[…] le nombre des corps déposés excédant toute mesure et ne
pouvant se calculer, avait exhaussé le sol de plus de huit pieds au-
dessus des rues et des habitations voisines
8
.
Le conseil d'état ordonna donc la suppression du cimetière des Innocents et
sa conversion en place publique afin d'y établir un marché, après
l'accomplissement des actions retenues indispensables. En 1785, le cimetière
et la plus grande partie des charniers furent démolis et les pierres vendues sur
place pour la continuation des travaux du Louvre.
L'idée initiale d'utiliser les carrières de Paris comme ossuaire revint au
lieutenant de Police Lenoir qui avait œuvré pour la destruction du cimetière
des Innocents, mais c'est son successeur, Thiroux de Crosne, qui commença
les travaux nécessaires. Il ordonna l'Inspecteur Général des carrières, M.
Guillaumot, de chercher et de préparer un local convenable pour y déposer
les ossements du charnier des Innocents. Guillaumot trouva un vaste réseau
8
Louis-Etienne François Héricart-Ferrand, Description des Catacombes de Paris, précédée d'un
précis historique sur les catacombes de tous les peuples de l'ancien et du nouveau continent, op.cit.,
p.162.
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de galeries sous la plaine du Mont-Souris, dans un lieu dit de la Tombe
Issoire, au sud de l'actuelle place Denfert Rochereau.
L'inspecteur fit exécuter les travaux nécessaires pour recueillir les ossements
du cimetière des Innocents dans le lieu choisi, ainsi que ceux de tous les
autres cimetières, charniers et chapelles de Paris. Divers ateliers d'ouvriers
furent créés pour construire des piliers pour assurer la conservation du ciel
de carrières, tandis que d'autres étaient occupés à construire les murs destinés
à accueillir tout ce qu'y fut transporté.
Le 7 avril 1786 commença officiellement le transfert des ossements du
cimetière des Innocents et ceux du cimetière voisin de Saint-Eustache
9
. Le
transport des restes avait lieu à la tombée de la nuit, jour après jour, et en
moins de quinze mois, sauf pendant l'été, tous les restes de différentes
générations de parisiens furent déposés dans les Catacombes. Les premiers
transferts s'effectuèrent pendant trois différentes périodes : de décembre 1785
à mai 1786, de décembre 1786 à mars 1787 et d'aout 1787 à janvier 1788
10
.
Des convois de chariots drapés de noir traversaient chaque soir des
processions funéraires accompagnées de prêtres, de chants des morts et
traversaient Paris pour y transférer les dépouilles accumulées pendant des
siècles d'histoire. Après le transport, les ossements étaient jetés du haut du
puits dans les galeries, où un travailler était chargé de les arranger et les
empiler.
Cet opération de transporte causa des protestes entre la population, car
quelqu'un pensait qu'on violait les tombeaux, et que les ossements pouvait
être exposés à d'indécentes profanations. Toutefois, l'opération se révélait
aussi utile pour la science, car les scientifiques eurent la possibilité d'étudier
et d'observer les corps. Dans la Tombe Issoire, outre les ossements, on
transporta toutes les pierres tombales, les sarcophages, et tous ces
monuments qui ne furent pas réclamés par les familles. En fait, de nombreux
9
Ibidem, p. 181
10
Fabrizio de Gennaro, Histoire des souterrains secrets de Paris, op.cit., p.56.
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ossements ne furent et ne sont pas identifiables, une grande partie d'entre eux
sont mélangés les uns avec les autres ; d'autres se trouvent dans les galeries
les plus inaccessibles de l'ossuaire.
Après le succès de cette première opération, il fut décidé que tous les
cimetières paroissiaux seraient supprimés et que les dépouilles mortelles qui
seraient retirées des tombes et des caveaux des églises seraient déposées dans
l'ossuaire avec les autres.
En 1809, Louis Héricart de Thury fut nommé à la tête de l'Inspection
Générale des Carrières, et il continua et amplifia les travaux établis par son
prédécesseur. Il chercha dans son ouvrage sur les carrières une étymologie
correcte et un sens équivoque pour indiquer ces vides immenses souterrains :
on lui doit en fait l’adoption du mot « Catacombes »
11
. Les mots catatombes
(catatumbae) et catacombes (catacumbae) avaient des sens relativement
proches, interprétés selon les étymologistes anciens comme des lieux
souterrains, lieux où on enterrait les morts ou on les célébrait, plus
particulièrement pour les premiers chrétiens, ou premiers habitants de Rome.
Il conclut cette recherche avec l'adoption du mot catacombe, précisant
toutefois que la dénomination la plus exacte pour ce lieu est « Ossuaire
générale de Paris ».
1.3 – La Révolution française et la Commune dans les Catacombes.
Après l'établissement des Catacombes, la Révolution française commença, et
ce monument se trouva lié et rattaché à son histoire. Les souterrains servirent
de sépulture à un grand nombre de victimes de l'époque. L'ancien et le
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Le mot « catacombe » dérive du latin catacumba, attesté en latin médiéval. La plupart des
étymologies donnent ce mot comme un composé gréco-latin du grec kata- (« en bas ») et du latin
cumba (« cavité »). D’autres le dérivent du grec cata- et du latin tumba (« tombe »), dont a changé
le t en c. Sur l’étymologie du mot voir Léon Clédat, Dictionnaire étymologique de la langue
française, Hachette, Paris, 1914.