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INTRODUCTION
Conformément aux études menées par l’UNFPA en 2000, au niveau mondial, au
moins un tiers des femmes avaient été battues, contraintes à avoir des rapports
sexuels ou maltraitées de quelque autre manière. En 2017 l’OMS a confirmé ces
chiffres en parlant de la violence de genre comme une réelle pandémie. Au gré des
données ONU, en Japon, considéré comme un des pays le plus pacifique de la
planète en termes de cohabitation, la violence de genre atteint 15 % ; aux États-Unis
les chiffres montent à 45 % et en Amérique du Sud haussent à 53 %.
Selon l’ONU Femmes les estimations sont préoccupantes : 35 % des femmes
dans le monde ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d'un
partenaire intime ou des violences sexuelles de la part d'une autre personne, et
certaines études, menées à l’échelle nationale, font apparaître que jusqu’à 70 % des
femmes ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles au cours de leur vie.
Sur la totalité des femmes qui ont été victimes d’homicide dans le monde en 2012,
près de la moitié ont été tuées par un partenaire intime ou membre de la famille,
contre moins de 6 % des hommes tués la même année.
Les données inhérentes le mariage d’enfants montrent que cette pratique est plus
répandue en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, où plus de quatre filles sur
dix ont été mariées avant leurs 18 ans et près d’une sur sept a été mariée ou en
concubinage avant ses 15 ans : près de 750 millions de filles actuellement en vie ont
été mariées avant l’âge de 18 ans et environ 120 millions de femmes dans le monde
(soit un peu plus d'une sur dix) ont déjà été forcées à avoir des relations sexuelles ou
à s'adonner à d'autres actes sexuels à un moment donné dans leur vie.
Au moins 200 millions de filles et de femmes actuellement en vie ont subi une
mutilation génitale féminine dans les 30 pays disposant de données représentatives
sur la prévalence : dans la plupart de ces pays, la majorité des filles ont subi une
circoncision avant l’âge de 5 ans, et plus de la moitié, notamment 51 %, des
victimes de trafic d'êtres humains dans le monde sont des femmes adultes.
Les données de l’ONU Femmes clarifient aussi que dans la majorité des pays où
des données sont disponibles, moins de 40 % des femmes victimes de violences
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demandent de l’aide sous une forme ou une autre et moins de 10 % des femmes
victimes de violence qui ont demandé de l'aide font appel à la police.
Malgré son ampleur, le phénomène des violences des hommes envers les
femmes est mal connu et la question de la violence de genre dans les pays en
développement est encore moins bien documentée que pour les pays du Nord de la
planète. Pour longtemps et dans presque toutes les sociétés du monde en fait, la
question de la violence envers les femmes a été considérée comme « habituelle »,
« banale » et « non grave ». Cette manifestation de brutalité, qui peut se présenter
sous plusieurs formes, notamment verbales, physiques, sexuelles, psychologiques ou
économiques, ne connait aucune frontière dans le monde : elle semble être une
constante de toutes les sociétés, dans n’importe quelle culture, aggravée bien sûr par
la pauvreté ou par des facteurs socio-politiques, mais toujours présente dans les pays
les plus développés comme dans les pays en voie de développement.
Cette description assume des nuances encore plus troublantes si nous pensons
aux progrès menés en termes de législation internationale
1
ou aux lois sur la
violence dont disposent concrètement 140 pays du monde. Et alors, il ne reste plus
qu’à se demander pour quelle raison, si les législations ont évolué, les femmes du
monde entier continuent à être les premières victimes de ces mauvais traitements.
Les réponses peuvent être multiples : nous pourrions mettre en discussion
l’efficacité des législations nationales, l’efficience des normes internationales,
marginaliser le problème des phénomènes socio-culturels passés et actuels, ou nous
pouvons commencer à admettre qu’il ne peut y avoir une protection de genre lorsque
la culture elle-même repose sur une distinction entre les sexes qui est
malheureusement acceptée, ou faussement pas perçue par les gouvernements qui
administrent les pays concernés.
Si nous sommes d'accord sur ce point, nous comprendrons pourquoi, après des
siècles, la protection des catégories vulnérables reste un des enjeux principaux de la
Communauté Internationale, un défi centenaire des nations et des organismes
supranationaux qui semblent être à la traîne des études théoriques sans être en
mesure de trouver une solution définitive, si elle existe.
1
En particulier nous faisons référence à la Convention contre toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes de 1979 a été ratifiée par189 pays.
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Toutefois, reste indéniable l'utilité des études de terrain qui peuvent nous donner
une vision plus claire et plus distincte parmi les nombreuses différences territoriales
et culturelles à considérer. Parmi les pays en développement, en fait, l’Afrique sub-
saharienne francophone se révèle être un espace particulièrement pauvre en données
et en études sur la violence envers les femmes. Beaucoup des recherches en Afrique
se focalisent sur les situations de conflit, par exemple sur le viol de guerre, ou sur le
lien entre VIH et violence sexuelle, et ainsi la très large majorité des recherches en
Afrique concernent les pays d’Afrique de l’Est
2
.
Afin d'apporter concrètement une expérience d'étude personnelle et de donner la
parole à l'un des pays les plus pauvres d'Afrique, le présent travail de recherche est
axé sur Madagascar, une nation riche en ressource mais trop souvent profitée et
piétinée, pleine de potentiel mais non valorisée, une nation où le niveau
d’infrastructure et d’évolution sociale vont de pair avec le niveau de considération et
respect des droits de l'homme.
Sans l’audace d’épuiser le sujet, le premier chapitre de notre travail
« L’évolution progressive des droits des femmes : de 1789 à 2018, le long chemin
vers l’égalisation » a tenté de donner une vision complète en termes d’évolution de
la juridiction internationales développée au cours du siècle dernier par la
Communauté Internationale sur le sujet des droits de genre. En marquant la
progressive distinction entre la définition de droits de la femme et le chemin
d’universalisation en droits des femmes, le texte propose une description
chronologique du développement des droits humains de genre, passant par les
premières contributions de l'époque de la Révolution française à celles
contemporaines de la révision de la CEDAW. Le chapitre cherche à donner une
dimension globale à cette évolution en décrivant les différentes approches culturelles
liées à cette modification et offre des instruments pour pouvoir successivement
analyser le cas d’étude susmentionné.
Le deuxième chapitre « Étude de cas : la condition des femmes à Madagascar
dans le cadre de la coopération internationale » se concentre sur mon expérience
2
Research Gate, Relations de genre et violence conjugale à Antanarivo, Madagascar Gastineau B.,
Gathier L., Rakotovao I., 2010, France
(https://www.researchgate.net/publication/280637820_Relations_de_genre_et_violence_conjugale_a
_Antananarivo_Madagascar consulté le 18/0/2018).
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personnelle qui a eu lieu à Ambanja, une ville au Nord de Madagascar où j’ai eu
l’opportunité de participer à un projet de coopération internationale mené par une
ONG. En présentant un point de vue sur la condition des femmes d’un des pays les
plus désavantagé du continent africain, notre travail de recherche a cherché à
clarifier la réelle condition de vie des femmes malgaches en comparant deux
versions différentes de collectes de données : l’une du gouvernement malgache, par
la voix du Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion
de la Femme (MPPSPF), et l’autre des organismes internationaux qui ont mené des
recherches sur le territoire pendant des décennies. D'un stimulus particulier a été la
possibilité de comparer de façon critique les rapports du gouvernement malgache
présentés au Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.
Après une minutieuse activité de dissection des données, la présente recherche
présente en bref un projet arrangé sur le terrain et pose une question au lecteur : si
après des décennies de coopération la pandémie de la violence de genre semble ne
pas avoir été résolue, pouvons-nous soutenir qu'un projet international est utile à la
cause ?
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CHAPITRE I.
L’ÉVOLUTION PROGRESSIVE DES
DROITS DES FEMMES : DE 1789 À 2018,
LE LONG CHEMIN VERS L’ÉGALISATION
1.1. La question du genre au XVIII siècle
Pour bien comprendre la normative internationale actuelle, inhérente la condition
des femmes consacrée par plusieurs conventions internationales et pour interpréter
les aspects juridiques critiques encore présents dans le monde entier, il faut
parcourir nécessairement le cheminement long et fatiguant des femmes qui, pendant
les derniers siècles, ont amené une féroce bataille pour obtenir l’égalité sociale,
juridique, politique et économique des hommes.
La question du genre dans le développement progressif du droit international,
c’est-à-dire la revendication des femmes des mêmes droits que les hommes, a des
racines largement anciennes. Contrairement à la période contemporaine, dans
laquelle nous pouvons assister à une conception universaliste des droits humaines,
selon laquelle toute personne peut détenir ces droits indépendamment de sa position
sociale, dans les temps anciens la plus part de la population était exclue de la vie
politique et du titulariat des droits : seulement les citoyens, en tant que hommes
adultes et libres, pouvaient participer à la vie politique, tandis que le reste du peuple
– notamment les enfants, les femmes et les esclaves – n’était pas du tout considéré.
Des siècles plus tard, en 1789, après la Révolution française, la publication de la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen en France, aurait établi la
naissance d’une nouvelle génération des droits, évidemment civils et politiques,
mais, encore une fois, il était claire que l’universalité n’était pas encore entièrement
implicite dans le mot « homme » : certaines catégories, y compris les femmes et les
esclaves, n’étaient pas absolument concernées.
Bien que la Déclaration de 1789 ait représenté un premier pas vers l’évolution et
la mise en place des droits fondamentaux, incarnant la promise de droits humaines,
elle doit être considérée en analysant l’ambiguïté cachée derrière le mot « homme »,
une ambigüité qui aujourd’hui ne peut qu’être définie juridiquement arbitraire. En