4
La richesse de ce débat a contribué décisivement à la mise à
point d’une pédagogie restructurée dans son dispositif disciplinaire
1
renforcé par des procédures méthodologiques autonomes, par un
propre langage spécifique et par des propres cartes conceptuelles
organiques.
Ce modèle épistémologique de la pédagogie a été fortement
corrélé avec les stratégies et la logique de la recherche scientifique. Il a
su saisir de cette-ci les caractéristiques plus mûres et critiques en les
reliant à son orientation de recherche et à sa valence théorique et
expérimentale.
La pédagogie en tant que « science » animée par une forte
tension projectuelle et d’émancipation, a fini par mettre en crise un
modèle pédagogique abstrait, de réthorique, métafisique et
fondamentaliste et, par conséquent, une pratique pédagogique
improvisée, axiomatique et purement transmissive.
La pédagogie a su accueillir et rendre problématiques des
différentes instances et sollicitations dans ce processus de révision.
Elle s’est confrontée avec une contestation d’étudiants et avec les
critiques à sa fonction de réproduction sociale et culturelle. Elle s’est
mesurée avec les demandes d’une majeure implication dans les
dinamiques historiques, sociales, politiques et institutionnelles.
Elle s’est rapportée avec la flexibilité et la rélative proposition
de la nouvelle philosophie de la science. Elle s’est enfin soudée avec les
1
F. Fraboni, F. Pinto Minerva, Manuale di pedagogia generale, Laterza, Bari,
1999, pag. 10.
5
instances du changement, en déterminant l’instrument de la
rationalisation du savoir-agir pédagogique dans la science et l’idée-
limite à poursuivre dans son balancement quotidien entre la
contingence et l’avenir dans l’utopie.
Il est possible d’identifier et de découper trois dimensions
(idéologie, science et utopie) intérieures à la structure conceptuelle
du discours pédagogique qui ont enflammé le débat pédagogique
dans cette complexe didactique. Tout en étant trois dimensions
étroitement interactives, il est possible de cerner les périodes où
chacune d’entre elles a joué une fonction d’hégémonie par rapport
aux autres par une analyse approfondie:
ξ les années ’60 et ’70 ont été caractérisées par le débat sur
l’idéologie, à savoir sur la fonction de réproduction sociale et
culturelle « de partie » jouée par l’école et par la pédagogie. L’école
se profile comme le plus incisif et puissant appareil idéologique de
l’État: il s’agit de l’ensemble d’institutions (réligieuse, familiale,
politique, judiciaire, syndicale, culturelle et de l’information)
légitimées et déléguées à garantir la survie et l’organisation
“naturellement” hiérarchique du système avec les institutions
répressives par excellence (dont police et armée).
La pédagogie est accusée de négliger la dimension politique et
sociale de la culture et, de cette façon, de garantir des modèles
fonctionnels de formation à perpétuer l’inégalité sociale.
L’autorité de l’école est exercée non seulement à sélectionner
l’accès et à déterminer le succès culturel, mais aussi et surtout à
6
convaincre les sujets discriminés que la discrimination qu’ils
subissent n’est pas un fait social mais naturel, attribuant ainsi la
responsabilité de l’échec scolaire au sujet et non à l’action
pédagogique.
ξ les années ’70 et ’80 ont été caractérisées par la centralité de
la science et par la reconnaissance de son rôle dans la réalisation de
paradigmes de référance pédagogique tout à fait nouveaux. Dans
cette période, la pédagogie est soumise à des profondes analyses et
à des contestations qui mettent à nu tous les implications
d’hégémonie, occultes et faussement neutres de la pédagogie.
Contrainte à une réformulation critique, la première réaction de
la pédagogie a été de défier l’idéologie souterraine qui l’a
traditionnellement conditionnée et rendue subalterne du point de
vue culturel afin de déterminer des nouvelles formes de théorisation
attentives à la raison de l’histoire et de la pratique, et donc finalisées
à une radicale transformation culturelle et sociale. Parallèle à la
première, la deuxième réaction va dans la direction de la « science ».
On estime que la pédagogie ne peut répondre à des critiques et
à des objections qu’en mettant au point une robuste épaisser
« scientifique » soit d’un point de vue méthodologique (faisant
émerger et spécifiquant sa nature empirique et expérimentale) soit
d’un point de vue logique-structurel (faisant émerger sa structuration
dans un système hypothétique-deductif).
Ainsi formulée et réproposée, la pédagogie suppose une nature
« objective », rend ses tensions méthodologiques extérieures et
7
publiques et elle s’offre au cercle le plus élargi et critique de la
connaissance.
Une troisième impulsion sistématique-récognitive attentive à
peser et à proposer les directions de la recherche pédagogique
pénètre enfin entre ces deux réactions: sa division en disciplines
variées et en types particuliers et son articulation particulière dans
une « famille de savoirs pédagogiques » à l’intérieur d’un projet de
recherche interdisciplinaire.
Tout cela a la mérite d’expliciter les sciences par lesquelles
rendre contiguë sa recherche épistémologique et de faire émerger
les sciences par lesquelles entrelacer des logiques d’échange et de
raccordement.
ξ Les années ’80 et ’90 ont été caractérisées par la
réproposition de l’utopie dans son rôle projectuel pendant une
phase historique profondement marquée par complexité, transition
et changement. L’acception dominante d’utopie dans le domaine
strictement pédagogique, a été celle d’un avenir possible, de
l’urgence d’un monde nouveau et d’un projet des potentialités en
acte, mettant en évidence fortement pétrie et bésogneuse d’un
revirement des ses horizons et des ses perspectives.
L’auteur qui a été capable de fondre les raisons de l’utopie avec
celles de la rationnalité scientifique dans le domaine pédagogique, a
été sans aucun doute Giovanni Maria Bertin. Il affirme: « L’idée
pédagogique en tant que telle est toujours inactuelle: sinon, elle ne
8
serait pas une idée mais une coutume, une pratique et une
idéologie.
Elle est inactuelle dans le sens qu’elle ni coïncide ni doit
coïncider avec les tendances prédominantes dans le présent, avec les
motivations et les sollicitations que cela fait valoir et avec ses
problèmes les plus manifestes et urgents.
En tant que idée, premièrement, elle donne de l’évidence aux
éventuelles incohérences, partialités et unilatéralités de ces
tendances, et elle en démonte éventuellement l’emphase et en
dénonce la réthorique; deuxièmement, elle fait valoir des instances
alternatives, inconnues, violées, déformées ou mystifiées par
l’actualité ».
Il y a l’émergence d’un nouveau modèle de raison et
d’expérience inquiet et insatisfait des oeuvres de Bertin dans ses
nouvelles tensions de recherche; il critique toute raison et
expérience qui se constituent en tant que moment unique et
univoque de l’action humaine.
Une fois que l’expérience a surmonté la limites de
l’absolutisation du sujet et de l’objet, elle se résume de l’orientation
et de la direction offertes par la rationnalité et de l’idée
« universale » (de l’« espoir ») proposée par l’utopie.
Observée de cette optique, toute expérience devient positive à
condition de la mettre en rapport avec sa même universalité, de
surveiller son effective réalisation et de saisir ses limites dans sa
distance de l’idée limite, utopique et créatrice.
9
La recherche pédagogique se meut dans ces espaces, étant
engagée à raccorder la désorientation que la réalité provoque dans
le sujet et la problematicité existentielle avec la rationnalité critique
et clarifiante. Tout cela est contre toute clotûre, toute fixité et tout
dogmatisme. Ces réflexions pédagogiques ont éloigné toute
univocité analitique et interprétative et elles ont spécifié l’objet
d’enquête et la méthodologie d’investigation de la pédagogie avec
cohérence.
Bref, cette dernière a accepté le défi de révolte des savoirs
multiples et pluraux de la contemporanéité: ce sont de savoirs
différenciés car ils proviennent d’autres disciplines, des sciences et
des orientations et de recherche et en tant qu’ils appartiennent à
d’autres territoires et cultures. Dans le nouveau millénaire, la
pédagogie semble donc dans les plus favorables conditions
épistémologiques pour approfondir un rapport constructif avec les
autres sciences.
10
1.2 L’IDENTITÉ DE LA PEDAGOGIE
« Le savoir actuel (incertain, multiforme, loin d’être omniscient et
sans fondements) impose même à la pédagogie la question de son sens et de
son statut. La pédagogie se découvre une discipline en travail, placée entre
des pressantes exigences de formation concrète et de réflexion
épistémologique sur ses fondements dans un contexte qui voit le passage de
la confiance dans la Méthode à l’attitude interprétative visée à répondre à
des instances différentes et variables. L’intime complexité du savoir
pédagogique rencontre les exigences de dynamisme et de fléxibilité
formative et accueille l’instance autoréflexive et autocritique en tant que
tâche essentielle »
2
.
L’image sociale et l’identité scientifique de la pédagogie en
Italie ont subi et subissent toujours une radicale transformation. Le
grand débat qui caractérise l’identité de la recherche dans le
domaine éducatif et sa présence à répondre aux pressantes
questions de formation font foi dans cette transformation.
Soit l’un soit l’autre versant de transformation ratifient un
changement substantiel de la « culture de l’éducation » tout dans le
différent degré de réflexivité et de spécificité. « Une chose est
devenue de plus en plus claire au cours de ces débats: que
2
F. Cambi, G. Cives, R. Fornaca, Complessità pedagogica critica, educazione
democratica, La Nuova Italia, Florence, 1991.
11
l’éducation ne concerne pas seulement des problèmes scolaires
traditionnels […] », mais qu’ils ne constituent « qu’une petite partie
des instruments dont une culture dispose pour initier les jeunes »
3
.
La non identification dans l’éducation en tant que domaine
social exclusif député à l’éducation, s’accompagne à la dissolution
des barrières traditionnelles de la pédagogie. L’affirmation d’un
statut passe alors par une révision de son identité; c’est une
opération qui n’est pas dépourvue de risques et de méprises et qui
se présente comme une perte de scientificité et une banalisation,
mais aussi comme un accablement et une invasivité par d’autres
sciences. Il y a désormais l’affirmation d’un explicite et répandu
besoin social de formation duquel on en ne peut pas résulter
indifférents, juste parce que cette question sociale constitue l’un des
plus grands et significatifs éléments d’ouverture à un panorama
européen et mondial de la formation.
Pour ces raisons, la pédagogie ne peut plus s’identifier ni avec
une discipline orgueilleuse de son degré de « pureté » et de non
contamination, ni avec des « interventions sauvages » inconscients
et incapables d’identifier et de réparcourir ses éléments constitutifs.
De plus, la recherche pédagogique ne peut pas être simplement la
transposition applicative de connaissances produites en dehors
d’elle et homologuées à des systèmes plus solides de
compréhension du monde, mais elle est appelée à réaliser des
3
J. Bruner, La cultura dell’educazione, Milan, Feltrinelli, 1997.
12
systèmes de compréhension de l’éducation et de la formation de
première main qui doivent être conscients du point de vue
épistémologique.
La pédagogie ne peut pas être réalisée pour des emprunts plus
ou moins conscients de modèles d’autrui, mais elle est mise en
mesure de savoir ce qu’elle fait, c’est-à-dire de réaliser des actions
cognitives qui engendrent des cognitions et des nouvelles actions et
qu’elles soient capables de rétroagir sur les actions et sur les
connaissances desquelles elle avait été produite.
La recherche pédagogique est alors une réflexion de régulation
sur la théorie et sur la pratique des processus de formation
4
, et elle doit
donc surtout réaliser la capacité d’engendrer des conscients
programmes d’action. Cette idée de pédagogie s’inscrit dans « sa
radicale historicité et même pragmaticité, elle opère avec une
théorisation en mesure d’adhérer aux contextes historiques où
l’événement éducatif se place ».
Pour saisir le sens de cette révision, il n’est pas indispensable de
se poser le problème de qu’est-ce que c’est la pédagogie aujourd’hui
et si elle peut se présenter comme une discipline unitaire et
compacte, mais le point de vue conscient que le rechercheur, à savoir
l’éducateur, l’enseignant ou l’opérateur social, puisse assumer vers
elle, et la perspective dérivante.
4
F. Cambi, P. Orefice, Fondamenti teorici del processo formativo, Liguori,
Naples, 1996.