v
INTRODUCTION
La contrefaçon est un phénomène de dimension internationale qui, par son
ampleur grandissante et ses répercussions économiques et sociales, constitue
aujourd‟hui un véritable fléau. Depuis une dizaine d‟années, suite à une graduelle
prise de conscience collective, la contrefaçon est devenue un sujet de grande
actualité, provoquant la prise de position d‟économistes, d‟hommes politiques,
d‟associations d‟industriels et d‟individus. Les analyses et les évaluations se
multiplient, les débats et les controverses publiques sont à l‟ordre du jour, la
couverture médiatique est planétaire. Il suffit de penser à la question de l‟accès aux
médicaments dans les pays en voie de développement, ou aux controverses sur la
protection du droit d‟auteur des œuvres musicales et cinématographiques menacées
par l‟Internet. Ce ne sont que les exemples les plus évidents de l‟importance
grandissante de la question de la contrefaçon, qui désormais intéresse tout individu
dans sa quotidienneté.
Comme a été plusieurs fois rappelé par Michel Danet, Secrétaire Général de
l'Organisation Mondiale des Douanes, la société considère la contrefaçon comme une
activité illicite "sans victimes" ne portant que sur des produits de luxe, idée que l'on
retrouve parfois aussi chez les responsables des services de répression. Si la
coopération est la solution, il est certain qu'aucun progrès ne pourra être réalisé tant
que le problème ne sera pas reconnu comme tel partout dans le monde, d'où
l'importance particulière de l‟information et la sensibilisation des citoyens. Pour ces
raisons nous avons choisi le sujet de notre étude, conscients de l‟urgence de d'appeler
l'attention sur la nécessité de lutter contre le fléau de la contrefaçon et de la piraterie
à l'échelon mondial et de mieux faire comprendre la gravité de ce problème.
Bien que le phénomène de la contrefaçon ait des origines très anciennes qui
remontent même à l‟époque romaine, il a été l‟objet d‟une remarquable évolution
pendant la dernière décennie du vingtième siècle. Dans les sillons des
transformations politiques et économiques de fin de siècle, tels que la globalisation,
la croissance du commerce international et le développement de la société de
l‟information, l‟industrie du faux s‟est répandue sur le territoire mondial et s‟est
dotée de techniques de plus en plus sophistiquées, à tel point qu‟elle peut désormais
vi
être comparée à une organisation criminelle organisée à l‟échelle mondiale. Limitée
à activité locale exercée dans de petits laboratoires illégaux au début des années ‟90,
affectant essentiellement les secteurs du luxe, la contrefaçon est devenue aujourd‟hui
une vraie industrie qui utilise des techniques modernes et coûteuses et qui couvre
désormais tous les secteurs de l‟économie. Les conséquences sociales et
économiques sont sérieuses : les entreprises enregistrent une baisse des chiffres
d‟affaires, les Etats assistent à de graves pertes économiques et fiscales et à la
déstabilisation des marchés, en même temps le chaumage augmente et les
consommateurs doivent faire face à des risques liés à la qualité et à la sécurité des
produits.
Dans ce cadre émerge la fondamentale importance des initiatives nationales et
internationales finalisées à la lutte contre la contrefaçon. Parmi les différents sujets
engagés dans ce défi, les autorités douanières interviennent dans une phase
particulièrement importante : l‟entrée des produits dans le territoire communautaire.
La Douane et la Guardia di Finanza sont chargées de surveiller le commerce
international, vérifiant la provenance et le caractère licite des produits, avec le
pouvoir d‟intervenir à l‟égard de ceux soupçonnés de violer les droits de propriété
intellectuelle.
Les mesures adoptées par les autorités douanières françaises et italiennes pour
endiguer la contrefaçon sont le sujet de recherche autour duquel se concentre notre
mémoire. L‟étude est articulée en trois chapitres, dans lesquelles la contrefaçon est
analysée en profondeur, privilégiant le contexte français et italien, sans par contre
négliger la perspective communautaire.
Dans le premier chapitre est proposée une approche globale au problème, afin
d‟en mettre en évidence les plusieurs faces. Tout d‟abord, l‟étude se concentre sur la
définition de la notion de propriété intellectuelle, sur ses racines historiques et sur les
changements qu‟elle a subis au cours des années. Nous passons ensuite à illustrer la
double fonction des droits de propriété intellectuelle, qui consiste en la protection des
créateurs et la promotion de l‟intérêt public, tout en analysant les différentes
branches du système de propriété intellectuelle, à savoir la propriété industrielle
(inventions, marques, dessins et modèles industriels) et le droit d‟auteur (œuvres
littéraires, d‟architecture, peintures, sculptures, danse, musique, films,
photographies). Puis nous décrivons la nature et les caractéristiques des phénomènes
de contrefaçon et de piraterie, analysant ses causes si bien que ses effets
vii
économiques et sociaux qui se répercutent sur les entreprises, les économies
nationales, les travailleurs et les consommateurs. Ensuite, nous abordons le sujet
d‟un point de vue sectoriel, énumérant les secteurs qui plus que les autres sont une
cible de plus en plus prisée par les contrefacteurs. Une autre partie du premier
chapitre est dédiée à l‟analyse des récentes implications des organisations criminelles
aux stades de la fabrication et de la distribution des produits contrefaits. Attirés par
les grands profits qui leur permettent d‟investir dans d‟autres activités illégales, des
groups du crime organisé se sont de plus en plus engagés dans cette activité illégale,
en bouleversant sa nature en profondeur. Enfin, nous abordons aussi l‟étude du
phénomène de la contrefaçon du point de vue juridique, avec une attention
particulière au procès d‟harmonisation des règles en matière de droits de propriété
intellectuelle, surtout au niveau communautaire. Après avoir analysé les principaux
conventions, accords et traités mises à point par les organisations internationales,
notamment ceux conclus par l‟Organisation Mondial du Commerce et par l‟OMPI,
nous concentrons l‟attention sur l‟arsenal juridique communautaire, de la Charte de
Nice des droits fondamentaux de l‟Union Européenne jusqu‟à la Directive
2004/48/CE, nous arrêtant sur les étapes principales du chemin de l‟harmonisation
des législations nationales. La dernière partie du premier chapitre contient un bref
aperçu des dispositifs nationaux en matière de protection des droits de propriété
intellectuelle, dans l‟intention de mettre en évidence les points positifs, les manques
et les nouveautés des systèmes italien et français.
Le deuxième chapitre de l‟étude traite en profondeur les mesures de la lutte à
la contrefaçon, avec un intérêt particulier à l‟action des autorités douanières en
France et Italie. Ainsi, le travail des Douanes françaises et italiennes et de la Guardia
di Finanza est porté au premier plan, décrivant leurs pouvoirs d‟action, les procédés
mis en acte et les techniques utilisées sur le champ. En outre, nous analysons en
profondeur les actions de coopération communautaire entre les services douaniers,
leur collaboration interne avec les services de l‟État et leurs projets de partenariats
avec les entreprises. Une partie est dédiée à l‟analyse des campagnes de prévention
mises en acte par les autorités françaises et italiennes, avec une attention particulière
aux résultats obtenus par les deux pays. Enfin, la deuxième partie du mémoire se
termine par la description des initiatives de coopération bilatérale entre France et
Italie, notamment l‟Accord de Chambéry du 1997 qui a mené à la création des
Centres de Coopération de Police et Douane situés à Ventimiglia e à Modane.
viii
Le troisième chapitre est le cœur de notre mémoire et contient les
témoignages des plusieurs autorités douanières, des agents de la Douane si bien que
des militaires de la Guardia di Finanza, qui travaillent dans les ports Français et
Italiens et qui sont engagées dans la lutte à la contrefaçon. Nous avons mené des
enquêtes auprès de quatre ports parmi les plus importants d'Europe quant à trafic de
marchandises et liaisons avec les principales routes maritimes mondiales : le port
d‟Ancône, un des plus actif du littoral Adriatique, le port de Gênes et le port de
Marseille, qui gèrent une grande partie des trafics de la Méditerranée, et le port du
Havre, le plus important port français sur la Manche. A partir des informations issues
des interviews, nous menons une analyse rigoureuse des efforts des autorités
portuaires pour limiter l‟entrée des produits contrefaits dans le territoire
communautaire. Après avoir questionné les représentants des autorités à propos de
leurs pouvoirs, leurs stratégies opérationnelles et leurs modalités de contrôle et
d‟action par rapport à la lutte à la contrefaçon dans les espaces douaniers maritimes,
nous nous sommes concentrés sur les actions extra-portuaires. Ensuite, non avons
abordé le sujet de la coopération nationale, internationale et communautaire, dans
l‟objectif de mettre en évidence les initiatives de collaboration et de soutien
réciproque entre les ports européens et de relever l‟efficacité des actions conjointes.
Enfin, nous avons recueillis des informations très détaillés sur les statistiques et les
trends du port concernant les produits contrefaits, y compris les cas plus récents de
saisies, la provenance et la destination des faux. Une partie des questions a été dédiée
à l‟analyse de la typologie des biens, notamment pour ce qui concerne les produits à
caractère potentiellement dangereux pour la santé et la sécurité des consommateurs,
tels que les médicaments, les aliments et les jouets.
En conclusion de notre analyse, nous relevons les multiples convergences
entre la France et l‟Italie dans le cadre de la lutte à la contrefaçon : les initiatives des
autorités douanières sont souvent analogues, si bien que les techniques appliquées
dans les ports. Pourtant, malgré les progrès obtenus grâce à la coopération bilatérale
et communautaire, l‟actualité démontre que le chemin à faire est encore très long.
1
Chapitre 1
LA CONTREFAÇON : LES NOMBREUSES FACETTES DU
PHÉNOMÈNE
1.1. La propriété intellectuelle à la racine du commerce
Au cours du XXème siècle l‟économie mondiale a connu des mutations
profondes, marquées notamment par un mouvement général de libéralisation
économique et financière et par une accélération du progrès technique. Ainsi, le
grand essor donné à la recherche et aux innovations technologiques a déterminé une
croissante nécessité de protection. Dans ce cadre, la notion de Propriété
Intellectuelle, sujet autrefois exclusivement technique limité aux discussions de
l‟élite savante, a trouvé une place imposante dans l‟actualité et fait désormais l‟enjeu
de discussions et de controverses publiques en Europe comme dans le monde entier.
Ainsi, depuis une quinzaine d‟années, la Propriété Intellectuelle se place au centre de
débats très animés et d‟une grande couverture médiatique à l‟échelle planétaire,
acquérant une importance croissante non seulement pour l‟économie internationale,
mais aussi dans la vie quotidienne de chaque individu.
Dans l‟usage courant, par Propriété Intellectuelle on entend en général les
créations de l‟esprit : les inventions, les œuvres littéraires et artistiques, mais aussi
les symboles, les noms, les images et les dessins et les modèles dont il est fait usage
dans le commerce. Plus précisément, la notion de Droits de Propriété Intellectuelle
désigne un ensemble de droits de nature patrimoniale et personnelle, qu‟un
Gouvernement attribue sur base territoriale à l‟auteur d‟une création intellectuelle ou
à l‟inventeur d‟une œuvre de l‟esprit. Du point de vue moral et personnel, ces droits
consistent en la reconnaissance de la paternité de l‟œuvre ou de l‟invention. Du point
de vue économique, l‟auteur / inventeur reçoit le droit exclusif d‟exploiter et de
disposer du bien pour une période déterminée en tant que compensation pour avoir
exercé une fonction socialement utile.
1
1
Angela LUPONE, "Gli aspetti della proprietà intellettuale attinenti al commercio internazionale"
dans L’Organizzazione Mondiale del Commercio, sous la direction de Gabriella Venturini, Milano:
Giuffrè, 2004, p. 130-189.
2
L‟importance de la Propriété Intellectuelle dans la société actuelle a des
racines profondes qui remontent à l‟origine même du commerce. Déjà en époque
ancienne, les commerçants devaient faire face à la nécessité de satisfaire le besoin de
protection et de distinction de leurs produits. Ainsi, Étrusques, Égyptiens, Grecs et
Romains introduisirent dans leurs commerces des instruments de communication
qu‟on pourrait identifier comme les ancêtres des marques actuelles : des symboles
distinctifs (d‟abord de simples images géométriques qui devinrent de plus en plus
perfectionnées et originales, jusqu‟à comprendre même des noms
2
) apposés sur
certains produits manufacturés tels que briques, céramiques ou vases en argile.
3
Par ailleurs, la naissance du premier véritable système de brevets date du 19
mars 1474, suite à la promulgation de « La Première Loi Générale sur les Brevets » à
Venise. Avec ce décret, le Senat de la République Sérénissime régla pour la première
fois les brevets par une loi générale, en fixant les grandes lignes du système moderne
des brevets : l‟équilibre entre le savoir rendu disponible par le biais d‟un domaine
public garanti par l‟État, le droit pour l‟inventeur de tirer bénéfice de son activité
intellectuelle, et la notion de récompense de l‟effort.
4
Par contre, la notion de droit d‟auteur moderne commence à émerger
seulement au XVème siècle, suite à l‟invention de l‟imprimerie. La nouvelle
technologie de Johannes Gutenberg donnait aux livres une valeur économique et
sanctionnait la naissance de la nouvelle catégorie professionnelle des imprimeurs-
libraires, organisés en corporations et guildes détenteurs du privilège d‟édition. Les
revendications continuelles des auteurs, surtout en France et Angleterre, pour obtenir
le droit de paternité et de reproduction de leurs œuvres, aboutirent au XVIIIème
siècle à la vraie naissance du droit d‟auteur. En Angleterre, la loi du 10 avril 1710,
connue sous le nom de loi d'Anne Stuart fut le premier texte normatif à reconnaître
un véritable copyright. Quant à la France, la période révolutionnaire fut marquée par
deux importantes lois : la loi du 19 janvier 1791 sur le droit de représentation et la loi
2
Un exemple des premières marques est le nom Fortis appliquée sur les céramiques par les potiers de
la Rome antique : une façon pour signaler aux clients la qualité spéciale de leurs produits. Laurent
MANDERIEUX, ″La propriété intellectuelle et son environnement linguistique et culturel″,
Linguistica e proprietà intellettuale, sous la direction de Marie-Christine Jullion, Milano : Franco
Angeli Edizioni, 2005, p. 15-28.
3
Tom BLACKETT, Trademarks, Basingstoke: Macmillan Press Ltd, 1998, cité par Elisa
BONGIORNI, L’analisi economica del marchio, mém. De maitrise, Università degli Studi di Torino,
2003-04, [document électronique] www.tesionline.it
4
Christopher MAY, ″Venise: aux origines de la propriété intellectuelle″, l’Économie Politique
2002/2, n°14, p. 6-21.
3
du 19 juillet 1793 accordant à l'auteur un monopole pour la représentation de ses
œuvres.
5
Ces deux façons différentes d‟accorder la protection à l‟auteur
déterminèrent la bipartition de la notion du droit d‟auteur qui persiste encore
aujourd‟hui : d‟un côté le droit d’auteur continental centré sur la protection de
l‟auteur, de l‟autre côté le copyright anglo-saxon centré sur la protection de l‟œuvre.
6
Les systèmes nationaux de Propriété Intellectuelle, présents dans la plupart
des pays occidentaux vers la fin du XIXème siècle, commencent à vaciller déjà avec
la première Révolution Industrielle : cette première forme de « globalisation » mena
non seulement les marchandises et les hommes à voyager au delà des frontières, mais
poussa aussi les idées et les inventions à franchir les barrières nationales. Dans ce
cadre, émergeât tout de suite la nécessité de trouver une médiation internationale
entre des systèmes de lois nationales différents et divergents, afin d‟élaborer une
notion de juste intérêt pour tous. Ainsi, c‟est dans la signature de deux grandes
conventions internationales qui sont à l‟origine de l‟OMPI (la Convention de Paris
sur la Propriété Industrielle du 1883, et la Convention de Berne sur la Propriété
Littéraire et Artistique du 1886) que la Propriété Intellectuelle moderne a trouvé ses
deux pierres angulaires.
Avec le but de promouvoir la projection et l‟utilisation de la Propriété
Intellectuelle dans le monde entier à travers la coopération internationale, l‟OMPI
joue depuis plus d‟un siècle un rôle fondamental de médiation entre les différents
intérêts nationaux, économiques et moraux. Ainsi, la notion de Propriété
Intellectuelle a graduellement cessé d‟être une question exclusivement nationale pour
devenir un enjeu à l‟échelle mondiale : les gouvernements nationaux se sont engagés
dans un procès de coopération internationale et d‟harmonisation des systèmes de
Propriété Intellectuelle, qui est toujours en acte.
1.2. La protection de la créativité, du progrès, de la connaissance
La notion de « Propriété Intellectuelle » comporte deux volets : la propriété
industrielle et le droit d’auteur. La première catégorie comprend en particulier les
5
Kauser TOORAWA, ″Droit d‟auteur″, Encyclopédie Juridique des Biens Informatiques, [document
électronique] http://encyclo.erid.net
6
Laurent MANDERIEUX, 2005, op. cit.
4
inventions, les marques, les dessins et modèles industriels et les indications
géographiques. Le droit d’auteur, de sa part, s‟applique aux œuvres littéraires telles
que romans, poèmes et pièces de théâtre, aux films, aux œuvres musicales, aux
œuvres artistiques telles que dessins, peintures, photographies et sculptures et aux
œuvres d‟architecture. Les droits connexes du droit d‟auteur sont ceux que les
artistes interprètes ou exécutants ont sur leurs prestations, les producteurs de
phonogrammes et les organismes de radiodiffusion sur leurs émissions de radio et de
télévision.
7
Les droits de Propriété Intellectuelle, comme les autres droits de propriété,
permettent au bénéficiaire, c'est-à-dire le créateur/inventeur/innovateur ou au
propriétaire d‟une marque, d‟un brevet ou d‟une œuvre protégée par le droit d‟auteur
de tirer profit de son travail ou de son investissement, tout en sauvegardant le besoin
public de bénéficier des bienfaits de la créativité. Ce problème du juste équilibre
entre protection des créateurs et promotion de l‟intérêt public est énoncé à l‟Article
27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l‟ONU le 10
décembre 1948, qui déclare :
1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la
communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits
qui en résultent.
2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de
toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.
8
Donc, la notion de Propriété Intellectuelle protège la créativité humaine en faisant
appui sur deux piliers fondamentaux : la protection des créateurs et la promotion de
l‟intérêt publique. Les titulaires des droits de Propriété Intellectuelle sont protégés
sur le plan moral, grâce à la reconnaissance de leurs efforts et leur ingéniosité, et
aussi sur le plan économique, à travers une rétribution leur permettant d‟exploiter
commercialement leur création pendant un certain temps. Cette reconnaissance
publique et cette rétribution stimulent l‟innovation et les recherches scientifique et
artistique, avec la conséquence d‟augmenter le bien-être de toute l‟humanité.
Parallèlement à la protection des créateurs, la Propriété Intellectuelle remplit un rôle
7
OMPI, Qu’est-ce que la Propriété Intellectuelle, Publication n. 450(F), p. 2. [document électronique]
http://www.wipo.int
8
Déclaration Universelle des Droits de l‟Homme, art. 27
5
fondamental pour l‟État : celui de promouvoir l‟intérêt de la collectivité au nom de
deux grands principes : encourager le progrès de la science et permettre au plus
grand nombre d‟accéder à la culture et à la connaissance. Pour cette raison, en
échange des droits économiques et moraux accordés par les États, les créations et les
informations qu‟elles contiennent sont rendues publiques.
9
L‟équilibre entre ces deux sphères est une tâche qui incombe premièrement
aux États : les Législateurs nationaux exercent un rôle central pour la médiation des
intérêts contradictoires en matière de Propriété Intellectuelle, tout en respectant les
variables politiques, économiques, sociales et culturelles du pays. L‟harmonisation
des lois de Propriété Intellectuelle des différents États est réalisée à travers les traités
internationaux, en général gérés par l‟OMPI. A travers un travail de médiation
linguistique et culturelle, ces accords internationaux apportent une réponse aux
besoins globaux dérivants des énormes changements du XXème siècle : la
mondialisation de l‟économie, l‟augmentation des échanges commerciaux, la
disparition des frontières, la révolution numérique.
Dans ce cadre émerge le rôle fondamental revêtu par la Propriété
Intellectuelle dans la société et dans la vie quotidienne, d‟où dérive la nécessité de la
protéger et la promouvoir. Premièrement les impulsions créatrices des hommes,
culturelles ou techniques, sont à l‟origine du bien-être et du progrès de toute
l‟humanité. En deuxième lieu, la protection juridique des inventions encourage les
investissements, entrainant aussi d‟autres innovations. En outre, la promotion et la
protection de la Propriété Intellectuelle stimulent la croissance économique et
améliorent la qualité de la vie. La Propriété Intellectuelle constitue un puissant
instrument de développement économique et de progrès social et culturel. Enfin,
grâce aux droits de Propriété Intellectuelle les efforts humains de créativité sont
récompensés et reconnus en tant que moteur du progrès de l‟humanité.
10
La propriété intellectuelle est une question complexe, du fait notamment
qu‟elle est constituée d‟un ensemble de différents droits, qui dérivent de la
distinction générale entre les deux grandes volets : la propriété industrielle (qui
comprend les droits de brevet, les marques de commerce, les dessins industriels et les
9
Laurent MANDERIEUX, ″Le droit, reflet des reflexes culturels en matière de propriété
intellectuelle″, Mediare e rimediare, sous la direction de Marie-Christine Jullion et Laurent
Manderieux, Roma : Aracne, 2008, p. 14-15.
10
OMPI, n. 450(F), op. cit., p. 3.
6
topographies de circuits intégrés) et la propriété littéraire et artistique (c‟est-à-dire les
droits d‟auteur et les droits voisins), chacune contenant des dispositions spécifiques.
1.2.1. Les Brevets
Une invention est d‟abord une méthode, une technique, un procédé ou un
produit offrant une nouvelle solution pour résoudre un problème pratique donné. La
protection de l‟invention est garantie à son titulaire par le brevet, qui lui confère un
droit de propriété exclusif sur sa création pour une période donnée. Selon la
définition donnée par l‟Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) :
Un brevet est un document décrivant une invention qui ne peut être fabriquée,
utilisée ou vendue sans l‟autorisation du titulaire du brevet. En règle générale, un
document de brevet contient au moins une revendication, une description de
l‟invention, ainsi que des renseignements bibliographiques tels que le nom du
déposant. La protection conférée par un brevet est limitée dans le temps (en règle
générale, sa durée est de 15 à 20 ans à compter de la date du dépôt de la demande ou
de la délivrance du titre). Elle est aussi limitée au territoire du ou des pays
intéressés.
11
Les atteintes aux brevets sont normalement sanctionnées par les tribunaux,
qui, dans la plupart des systèmes, ont aussi la compétence d‟annuler un brevet
contesté par un tiers. Le titulaire d‟un brevet peut, en vertu d‟une licence, permettre
aux tiers d‟utiliser l‟invention à des conditions convenues d‟un commun accord. Il
peut aussi vendre son droit sur l‟invention à un tiers, qui devient à son tour titulaire
du brevet. À l‟expiration du brevet, le titulaire perd ses droits exclusifs sur
l‟invention et celle-ci peut être librement exploitée commercialement par les tiers.
Le système des brevets est aussi un important indicateur pour mesurer,
globalement et en détail, l‟activité inventive par secteur, par entreprise et par pays.
En outre, puisque l‟invention doit obligatoirement être rendue publique, elle devient
une source d‟inspiration, de croissance et de développement économique : la
recherche peut économiser et optimiser ses efforts, les entreprises ont la possibilité
11
OMPI, PCT. Le système International des brevets – Revue annuelle, publication n. 901(F), 2008,
p. 42, [document électronique], www.wipo.int
7
de demander facilement une licence sur le brevet, les chercheurs peuvent se
concentrer sur les domaines ou les techniques non encore explorés.
12
Pourtant, on ne peut pas ignorer les voix critiques accusant le système de
brevets de porter atteinte au développement économique et social, en octroyant un
monopole sur l‟utilisation de son invention. Si d‟une part tout monopole peut freiner
le progrès, de l‟autre part la récompense économique pour l‟invention est absolument
nécessaire pour permettre la continuation de la recherche scientifique. Donc, le
système de brevets se révèle essentiel, parce que grâce à lui la recherche et
l‟innovation reçoivent une impulsion constante, soutenues aussi par les
investissements et la planification stratégique, et par conséquent la vie humaine
s‟améliore constamment.
13
1.2.2. Les Marques
Une marque est un signe distinctif (mots, lettres, chiffres, dessins, symboles,
signes tridimensionnels, musicaux ou vocaux, couleurs, odeurs) identifiant un
produit et ses caractéristiques, offrant au consommateur un semblant de garantie
grâce à la réputation de l‟entreprise. De même, la marque offre une protection à son
propriétaire, en lui donnant le droit exclusif d‟utiliser le signe distinctif en question
pour désigner ses produits ou ses services. Le propriétaire a aussi la faculté
d‟autoriser un tiers à utiliser la marque, en contrepartie d‟une rémunération.
La protection du droit sur la marque est garantie par les tribunaux et a une
durée variable, qui peut être renouvelée indéfiniment en payant des taxes
additionnelles. Le but de cette protection est d‟empêcher la concurrence déloyale,
notamment la contrefaçon, c‟est-à-dire la reproduction ou l‟utilisation de signes
identiques ou semblables pour commercialiser des produits ou services différents ou
de qualité inférieure. Ainsi les marques, pareillement aux brevets, offrent aux
propriétaires une garantie de sécurité, outre une reconnaissance et des bénéfices
financiers, de sorte à en encourager l‟initiative el l‟esprit d‟entreprise et à faciliter le
commerce international.
14
12
OMPI, n.. 450(F), op. cit., p. 5-7.
13
Laurent MANDERIEUX, 2005, op. cit.
14
OMPI, n. 450(F), op. cit., p. 8-11.
8
La protection qui dérive de l‟enregistrement, cependant, est limitée au pays
(ou, dans certains cas, à la région) concerné. De toute façon, pour éviter l'obligation
de procéder à un enregistrement séparé auprès de chaque office national ou régional,
l'OMPI administre un système d'enregistrement international des marques établi en
1891. Ce système est régi par deux traités, l'Arrangement de Madrid concernant
l'enregistrement international des marques (1891) et le Protocole de Madrid (1989).
Toute personne ayant un lien (nationalité, domicile ou établissement) avec un pays
partie à l'un de ces deux traités ou aux deux peut, sur la base d'un enregistrement
effectué ou demandé auprès de l'office des marques de ce pays, obtenir un
enregistrement international produisant ses effets dans certains autres pays de l'Union
de Madrid, ou dans tous. Ainsi, suite à l‟enregistrement International, « la protection
de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette
marque y avait été directement déposée »
15
1.2.3. Les Dessins et Modèles Industriels
Un dessin ou modèle industriel est constitué par l‟aspect ornemental ou
esthétique d‟un objet, tel que la forme, la texture, les motifs, les lignes ou la couleur,
et peut s‟appliquer aux produits les plus divers de l‟industrie et de l‟artisanat. En
vertu de la plupart des législations nationales, pour bénéficier d‟une protection, un
dessin ou modèle industriel doit être nouveau ou original, et ne doit pas être
fonctionnel. L‟importance des dessins et modèles industriels s‟explique par le fait
qu‟ils donnent à l‟article son attrait et son pouvoir de séduction, de sorte à accroitre
la valeur marchande du produit et son pouvoir commercial. En déposant un dessin ou
modèle industriel, le titulaire gagne le droit exclusif de s‟opposer à toute copie ou
imitation non autorisée de son dessin ou modèle par des tiers, pour une durée limitée
mais qui peut être prolongée.
16
En règle générale, la protection est limitée au pays dans lequel elle a été
accordée, mais il est aussi possible d‟entreprendre une procédure d‟enregistrement
international, administrée par l‟OMPI en vertu de l‟Arrangement de La Haye.
15
Arrangement de Madrid concernant l‟enregistrement International des marques, 1891, art.4, alinéa
1.
16
OMPI, n. 450(F), op. cit., p. 12-14.
9
Lorsque le dessin ou modèle industriel fait l‟objet d‟un dépôt international, il
bénéficie, dans chaque État désigné, de la même protection que celle dont jouissent
les dessins ou modèles industriels déposés en vertu de la loi nationale, à moins qu‟un
office national ait expressément refusé d‟accorder cette protection. Le dépôt
international est donc équivalent à un droit national en ce qui concerne l‟étendue de
la protection et la sanction des droits.
17
Le système de protection des dessins et brevets n‟est pas seulement utile pour
le commerçant, qui reçoit un revenu équitable de ses investissements et une garantie
de protection, mais aussi pour le consommateur, qui peut bénéficier de pratiques
commerciales loyales et de produits esthétiquement attrayants. De même, la
protection des dessins et modèles industriels contribue au développement
économique en encourageant la créativité dans l‟industrie et dans l‟artisanat.
1.2.4. Les Indications Géographiques
Une indication géographique est un signe utilisé sur des produits qui ont une
origine géographique précise et qui possèdent des qualités ou une notoriété dues à ce
lieu d‟origine. Les indications géographiques sont utilisées pour une grande variété
de produits agricoles, qui ont généralement des qualités qui découlent de leur lieu de
production et sont influencées par des facteurs géographiques locaux déterminés, tels
que le climat et le sol. Cependant, ces indications ne sont pas limitées aux produits
agricoles, mais peuvent aussi être utilisées en relation avec des produits dont la
nature est influencée par des facteurs humains typiques d‟un lieu spécifique, tels que
les techniques de fabrication ou les traditions locales.
18
1.2.5. Le Droit d’Auteur et les droits connexes
Le droit d’auteur comprend l‟ensemble des lois qui confèrent aux auteurs,
artistes et autres créateurs une protection pour leurs créations littéraires et artistiques.
17
OMPI, L’Arrangement de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et
modèles industriels : principales caractéristiques et avantages, p. 4, [document électronique]
www.wipo.int
18
OMPI, n. 450(F), op. cit., p. 15-17.
10
Les œuvres qui font l‟objet de la protection du droit d‟auteur sont les œuvres
littéraires (les romans, les poèmes, les pièces de théâtre), les œuvres d‟architecture,
les peintures, les sculptures, la danse, la musique, les photographies, les films, les
créations publicitaires, les cartes géographiques, les dessins techniques et les
programmes d‟ordinateur. En outre, un ensemble des droits connexes du droit
d'auteur s'est rapidement développé ces 50 dernières années. Ces droits, qui se sont
développés autour des œuvres protégées par le droit d'auteur, sont des droits
similaires aux droits d'auteur, mais souvent plus limités dans leur portée et dans le
temps, et que possèdent les artistes interprètes ou exécutants sur leurs prestations, les
producteurs d'enregistrements sonores sur leurs enregistrements et les organismes de
radiodiffusion sur leurs programmes radiodiffusés et télévisés.
Le droit d‟auteur confère aux titulaires le droit exclusif d‟utiliser l‟œuvre ou
d‟en autoriser l‟utilisation à des conditions convenues ; par conséquent, ils peuvent
interdire ou autoriser la reproduction, la représentation publique, l‟enregistrement, la
radiodiffusion, la traduction, l‟adaptation de l‟œuvre en question. En outre, le droit
d‟auteur comprend aussi des attributs d‟ordre moral, qui confèrent notamment le
droit de revendiquer la paternité de l‟œuvre et le droit de s‟opposer aux modifications
de l‟œuvre qui risquent de porter atteinte à la réputation du créateur.
Le créateur - ou titulaire du droit d'auteur sur une œuvre - peut faire valoir ses
droits en s'adressant aux autorités administratives et aux tribunaux pour faire
inspecter les lieux à la recherche des éléments qui prouveront la production ou la
possession d'exemplaires confectionnés illégalement - " piratés" - d'œuvres
protégées. Le titulaire peut s'adresser aux tribunaux pour faire cesser ces activités
illégales, ainsi que pour obtenir réparation du dommage qu'il a subi sous forme de
perte de gain et d'atteinte à sa réputation.
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Le système du droit d‟auteur est très souvent critiqué, à cause de ses royalties
trop élevées qui sont retenues responsables du haut coût des produits culturels, CDs
ou livres entre autres. Il faut pourtant réfléchir sur le fait que la rémunération des
artistes titulaires du droit d‟auteur est nécessaire afin de leur permettre de subvenir à
leurs besoins et donc de pouvoir continuer à créer des œuvres d‟art. Dans ce cadre, il
émerge donc la nécessité de trouver un équilibre entre l‟intérêt individuel et l‟intérêt
collectif, qui ne peut émerger qu‟à travers une médiation sociale et une adaptation
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OMPI, n. 450(F), op. cit., p. 18-21.